Il faut des romans aux peuples corrompus: le romanesque républicain dans la Suisse des Lumières

En 1753, Voltaire, à la suite de différents événements désagréables, quitte le royaume de Prusse où il avait été appelé par le roi Frédéric II. Voltaire est alors âgé de 59 ans, il a déjà une vie riche derrière lui, ponctuée de multiples expériences, de beaucoup de publications et de très nombreuses rencontres. Il hésite sur la direction à prendre. Il sait qu’il n’est pas le bienvenu en France où il sera surveillé et censuré. Il devra vivre loin de Paris ce qui ne l’enchante guère. L’Angleterre est un séjour exotique, et si l’île offre de nombreux avantages, elle n’est pas dominée par la culture française. Pire, les hostilités se font de plus en plus précises entre la France et l’Angleterre, les deux nations cherchant à étendre leur commerce et leur domination coloniale. Voltaire a alors l’idée de se tourner vers un petit pays à la fois indépendant, mais suffisamment proche des grands centres de culture: la Suisse et ses satellites, dont Genève. Voltaire décide de se fixer d’abord à Lausanne et ensuite dans la cité de Calvin. Grâce à l’intermédiaire de Jean-Robert Tronchin, Voltaire loue une propriété à Saint-Jean qui deviendra les ‘Délices’.

‘Les Délices’, dessinée par F. Philipesenn et gravée par G. Charton (1775-1853) (BGE, Centre d’iconographie genevoise).

A Lausanne, avec sa cathédrale gothique et son château où siègent les baillis bernois, c’est grâce à l’intervention de Georges François de Giez, jeune banquier, qu’il peut louer la propriété de Montriond à l’entrée de la ville (voir François Jacob, Voltaire, Paris, 2015, p.193). ‘Les Délices seront pour l’été, Montriond pour l’hiver’ (Voltaire à Clavel de Brenles, 10 février [1755], D6150).

Voltaire adhère ou feint d’adhérer à l’image idyllique que les visiteurs européens diffusent de la Suisse. Il loue, dans l’Epître de l’auteur, en arrivant dans sa terre près du lac de Genève, en mars 1755, ses mœurs républicaines, la douceur de son climat, la beauté du Lac Léman que l’on peut contempler depuis les coteaux lausannois:

‘On n’y méprise point les travaux nécessaires;
Les états sont égaux, et les hommes sont frères.
Liberté, liberté, ton trône est en ces lieux.
La Grèce où tu naquis, t’a pour jamais perdue.’

Mais contrairement à d’autres visiteurs européens, Voltaire ne se contente pas d’admirer l’austérité des mœurs suisses. Il souhaite répandre la passion du théâtre. Il dirige différentes pièces au théâtre de Mon-Repos. La noblesse lausannoise y accourt soit pour jouer sur scène soit pour assister aux représentations en public averti. La famille Constant s’illustre dans cette activité, David Louis Constant d’Hermenches deviendra l’âme des activités théâtrales de Lausanne après le départ de Voltaire pour Genève.

Voltaire applaudit ces succès qu’il s’empresse de rapporter à ses amis parisiens, plaçant les Lausannois sur un pied d’égalité avec les Français: ‘On ne se douterait pas, monsieur, qu’un théâtre établi à Lausanne, des acteurs peut-être supérieurs aux comédiens de Paris, enfin une pièce nouvelle, des spectateurs pleins d’esprit, de connaissances et de lumières, en un mot tous les soins qu’entraînent de tels plaisirs, m’ont empêché de vous écrire plus tôt’ (à Jean Lévesque de Burigny, 20 mars [1757], D7207). Les Parisiens font semblant d’être dupes.

Pourtant des voix s’élèvent pour dénoncer la pratique de la comédie, amusement qui nous paraît aujourd’hui bien innocent, et les arguments des détracteurs sont puisés dans la tradition républicaine. On se rappelle que Platon dans La République dénonce les artistes et les arts en général. Cette accusation vaut certes pour les beaux-arts, mais en Suisse elle touche également le théâtre, car sa pratique par les gens de la bonne société démontre leur oisiveté et leur luxe. Or les auteurs républicains, d’Aristote à Machiavel et de Platon à Rousseau n’eurent de cesse de condamner leurs effets socialement pernicieux et moralement corrupteurs.

Dans l’Aristide ou le Citoyen, journal lausannois paru de 1766 à 1767, un étranger de marque, le Prince Louis-Eugène de Wurtemberg, reproche à la comédie de ‘flatter le goût général’ et non de le ‘redresser’. Quant au général vaudois Warnery, celui-ci écrit que ‘le luxe, la délicatesse et la dépravation des mœurs ont fait des progrès en Suisse avec la Poésie’ (Remarques sur l’Essai général de tactique de Guibert, Varsovie, 1782, p.59-60).

Aristide ou le citoyen (Lausanne, Grasset, 1766) (Réseau vaudois des bibliothèques).

Au dix-huitième siècle, dans les républiques helvétiques, ces arguments sont très répandus. Les spectacles avaient été interdits à Genève par une ordonnance datant de 1617 (cette interdiction avait été renouvelée en 1732 et en 1739). Le théâtre se voyait reprocher de détourner l’intérêt des individus des affaires de la cité. Dans la Lettre à D’Alembert sur les spectacles (1758), J.-J. Rousseau s’inquiète également de l’arrivée des spectacles à Genève. Il oppose à l’intérieur des salles de théâtre, où chacun s’amuse individuellement en imagination, l’activité sociale des cercles de Genève où les hommes peuvent se retrouver pour discuter, écouter des conférences, boire et se divertir. Pour Rousseau, les cercles sont le terreau de la vie citoyenne, l’antichambre d’où partent les compagnies bourgeoises qui défilent en ville et en assurent la sécurité aux temps troublés. Pour Voltaire au contraire, le théâtre aide à policer les mœurs, il ‘dégrossit’ les rustres suisses. De plus, le théâtre est une activité où les deux sexes se mêlent, ce qui pour Voltaire est un gage de galanterie et de politesse. Pour Rousseau ce mélange corrupteur des deux sexes, qui ‘dénature’ proprement leurs qualités intrinsèques est signe d’une décadence civique et morale. Une société ‘molle et efféminée’ ne pourra résister efficacement aux envahisseurs étrangers. Curieusement, Voltaire et Rousseau se retrouvent sur le terrain de la culture: Voltaire souhaite que le théâtre transforme les Lausannois et les Genevois en Français alors que Rousseau lutte contre cette altération culturelle par crainte d’une détérioration de patriotisme.

J. J. Rousseau citoyen de Genève, à Mr. D’Alembert (Amsterdam, 1758).

Déplacé à Genève, aux Délices, dès 1755, Voltaire se rapproche de ses éditeurs Gabriel et Philibert Cramer, mais aussi d’une scène plus brillante et d’un public dont la réputation européenne est excellente.

Là il se retrouve toutefois confronté aux mêmes contrariétés qu’à Lausanne. L’idéologie républicaine est très forte parmi les bourgeois, en particulier dans le groupe de ceux qui s’opposent aux décisions des Conseils restreints dominés par un ensemble de vieilles familles. Cependant là aussi, Voltaire croit au rôle civilisateur du théâtre, les bons spectacles poliront le reste de sauvagerie que les Genevois conservent. D’où l’intrigante remarque de l’article ‘Genève’ de l’Encyclopédie, rédigé par D’Alembert, mais soufflé par Voltaire: associer ‘à la sagesse de Lacédémone la politesse d’Athènes’. Les travaux de Rahul Markovits qui documentent les réactions genevoises à l’introduction des théâtres dans la ville – constructions éphémères accompagnant l’arrivée des médiateurs français lors de chaque grande crise politique et sociale – montrent que toutes les couches de la société étaient séduites par les spectacles. Les chefs du parti bourgeois (communément appelés Représentants, à cause des ‘pétitions’ qu’ils adressaient aux Conseils restreints assurant le gouvernement) ont beau dénoncer l’effet pernicieux provoqué par les spectacles, le peuple en général s’y rendait malgré tout.

Dans la Lettre à D’Alembert sur les spectacles, les idées de J.-J. Rousseau reflètent ou sont similaires à celles des Représentants de Genève, dont un des chefs de file est Jacques-François Deluc. Horloger dans la cité de Calvin, De Luc cultive les valeurs républicaines. Il pense que la ‘pureté’ des mœurs genevoises est le résultat des ‘Lois’ et des ‘usages’ d’un petit Etat dont les habitants n’ont pas été ‘dégradés’ par les rapports d’argent et la bassesse qui règne dans les grandes villes, où le fort opprime le faible. Les Remarques sur le paragraphe de l’article Genève, dans l’Encyclopédie, qui traite de la comédie et des comédiens datent du 26 avril 1758 et ont été écrites en parallèle à la Lettre à D’Alembert. Pour Rousseau, la comédie induit la diffusion des mœurs de Paris dans les villes rurales ou à la campagne, ce qui se heurte cependant à l’incapacité anthropologique des individus à adopter d’autres mœurs et d’autres manières de sentir: ‘Les habitants de Paris qui croient aller à la campagne, n’y vont point; ils portent Paris avec eux’ (La Nouvelle Héloïse in Œuvres complètes, Paris, 1961, p.602).

Jacques-Francois De Luc (1698-1780), attribué à Robert Gardelle (1682-1766) (Bibliothèque de Genève).

Le déisme représente un autre point de divergence entre Voltaire et les bourgeois, citoyens de Genève. C’est sans doute le point de divergence le plus important et celui qui oblige Voltaire à quitter la ‘parvulissime’ république, comme il l’appelle, pour Ferney. On l’oublie facilement, mais la Lettre à D’Alembert est aussi une défense de la sincérité des pasteurs de Genève accusés de socinianisme dans l’article ‘Genève’ de l’Encyclopédie. Par la suite cependant, Rousseau se distancie de l’opinion des pasteurs genevois: les Lettres écrites de la montagne (1764) portent trace de ces tensions. Mais dès La Nouvelle Héloïse, Rousseau tentait de concilier ses doutes sur la nature de la foi chrétienne dans une grande synthèse embrassant le monde rural, la mystique, la vertu civique et l’utopie. Il peut paraître étrange que Rousseau, critique violent du théâtre, s’abandonne à l’écriture et à la publication d’un vaste roman dès son installation à l’Ermitage en 1756, alors qu’il souhaitait consacrer son temps à ses institutions politiques et à d’autres ouvrages qu’il considérait sérieux. Mais si l’aspect social du théâtre le rebute, il conçoit la littérature épistolaire comme une grande communion dialogique où les différents points de vue coexistent et se tolèrent. Plus qu’une intrigue avec des personnages ridicules, le roman permet de construire progressivement une psychologie, de montrer des personnages dynamiques qui évoluent avec leurs doutes et leurs fêlures. Cette leçon littéraire de Rousseau, les Suisses – qui jusqu’alors s’étaient méfiés de la littérature fictionnelle, car mensongère et non-vertueuse – la retiennent et l’enrichissent.

Le roman Confidence philosophique (1ère édition en 1771) du pasteur Jacob Vernes offre un espace littéraire où contre-attaquer les thèses de Voltaire sur la religion et les mondanités. Dans ce roman épistolaire à thèse, Jacob Vernes, pourtant ami de l’auteur de Candide, fait du Voltaire à rebours. Il use des mêmes armes rhétoriques que les philosophes et il tourne en ironie les critiques contre la religion exposant le grand vide ontologique qu’elles laissent. La correspondance qui continua entre les deux hommes ne laisse pas penser que Voltaire ait pris ombrage des procédés narratologiques du pasteur genevois. Cependant ceux-ci illustrent de nouveau les tensions politiques et religieuses qui existeront toujours entre Voltaire et les élites suisses et genevoises. Là où Voltaire critique la religion au nom de la liberté en dénonçant la superstition, les seconds défendent le protestantisme en insistant sur son cadre moral et sa philosophie pratique réconfortante. D’un point de vue politique, là où Voltaire valorise la force législatrice et culturelle d’un grand roi, capable de guider son pays dans une direction nouvelle et progressiste, les élites suisses défendent l’austérité républicaine, mais aussi l’esprit de simplicité et d’égalité qui doit présider aux décisions collectives.

L’apport de mon livre, Rêves de citoyens, dans cette querelle à la fois esthétique, littéraire, politique et religieuse est d’avoir mis en évidence que les Suisses, sans délaisser le théâtre, vont utiliser d’autres médias fictionnels pour exprimer leurs idéaux républicains. La Nouvelle Héloïse est le détonateur qui amorce une série de récits sentimentaux qui explorent les facettes d’un idéal-type républicain (au sens wébérien), c’est-à-dire une utopie. Si à l’époque des Lumières, les écrivains suisses délaissent le genre de l’utopie littéraire, ils trempent leur plume romanesque dans un utopisme assumé. Grâce aux travaux de Bronislaw Baczko, nous savons que le dix-huitième siècle est une époque ‘chaude’ de l’imaginaire utopique. L’esprit de réformes, radical ou non, s’empare des sociétés d’Ancien Régime. En rédigeant La Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques Rousseau se dote d’un espace littéraire qui offre à son imaginaire républicain une riche gamme de possibilités. Ainsi Rousseau reconstruit grâce à la lettre sur le Valais les sources idéales d’un républicanisme supposé naturel comme il représente dans la microsociété de Clarens, animée par Julie, les diverses interrogations qui assaillent quotidiennement citoyens et citoyennes. Quel cadre offrir à la morale politique et religieuse? Comment exploiter un domaine qui assure à la fois une certaine aisance familiale, qui permette que les terres soient bien cultivées et qui fournisse aux environs des emplois nécessaires à la préservation des individus dans les campagnes en leur évitant de rejoindre les villes corruptrices? Comment former l’esprit des citoyens pour que ceux-ci soient sensibles aux inégalités sociales et au respect des formes démocratiques? De même, comment rendre l’homme suffisamment sensible pour que dans le ‘tableau de la nature’ il perçoive et respecte l’œuvre du créateur? Ces questions, que les personnages du roman de Rousseau discutent longuement, avec des opinions contradictoires, sont reprises par les romans sentimentaux helvétiques, qui les explorent à leur tour. Il n’y a pas d’opposition frontale dans ces textes à la pratique du théâtre; au contraire dans le roman fleuve (en 7 volumes!) de Samuel Constant de Rebecque, Laure ou lettres de quelques femmes de suisse, les personnages s’amusent à monter et à jouer une pièce; cependant la tonalité du discours romanesque reflète un éthos républicain équivalent à celui qu’Albrecht von Haller peint dans Les Alpes ou que Jean-Jacques Rousseau, avec ses Montagnons du Jura, dessine dans la Lettre à D’Alembert.

Dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle, le roman sentimental chemine avec l’utopie littéraire, il exploite, par exemple, la narration en tableaux, comme Louis-Sébastien Mercier dans L’An 2440. Rêve s’il en fut jamais (1771) et dans Le Tableau de Paris (1772). Comme les utopistes, les romanciers sentimentaux font l’éloge de la simplicité, de la transparence et de la vertu civique. Dans l’utopie, la religion naturelle fusionne avec la sensibilité: l’homme est bon par nature et de sages lois peuvent le rendre meilleur; la tonalité est la même dans les romans sentimentaux. Dans les textes utopiques, malgré leur communisme à la fois social et économique, les femmes allaitent et les législateurs valorisent leur supposée pudeur naturelle pour mieux leur assigner un rôle inférieur. Rares sont les femmes qui participent au gouvernement dans les sociétés utopiques. Dès La Nouvelle Héloïse, Julie se plaint que Saint-Preux adresse les ‘réflexions graves et judicieuses’ à Milord Edouard et qu’il l’entretienne de sujets plus légers comme l’opéra ou les femmes françaises, mais elle se cantonne elle-même dans un rôle secondaire: ‘J’avoue que la politique n’est guère du ressort des femmes’ (p.305).

Animés par un éthos républicain classique, les romans sentimentaux helvétiques investissent un espace littéraire similaire à celui occupé par les utopies en France. Cette perspective romanesque permet également de représenter des citoyens en action, ce qui concilie les exigences patriarcales héritées du protestantisme avec les courants civiques et intellectuels des Lumières. Quant au théâtre, si celui-ci connaît un succès croissant, à Lausanne comme à Genève, ses effets de propagande et son impérialisme français sont observés avec suspicion. Les caractéristiques nuisibles du théâtre nourrissent la création d’une identité républicaine que les romans sentimentaux contribuent à définir et à élaborer.

Helder Mendes Baiao

For action! A bibliography of d’Holbach studies

Paul-Henri Thiry, baron d’Holbach, by Louis Carmontelle.

Following the release of Tout d’Holbach in March 2020, the Voltaire Foundation is continuing to produce research tools that we hope will prove beneficial to anyone out there working on the Radical Enlightenment and d’Holbach more specifically. The latest arrival, we are happy to announce, is a selected bibliography of mostly 20th- and 21st-century scholarly publications on the Baron d’Holbach and his works. Counting almost 200 entries and intended primarily as a tool for anyone working on the Digital d’Holbach project, this bibliography includes links to online resources, where available, and hopes to grow larger in the next few months thanks to the support of the many colleagues worldwide who share our interest in the works of the Baron. Should you wish your new publications to be featured in the bibliography, or to report any mistakes or omissions, please contact Ruggero Sciuto. Thanks in advance for your help!

Looking forward, the Voltaire Foundation also hopes to release a full list of pre-1789 editions of d’Holbach’s publications with hyperlinks to digitised copies on Googlebooks, HathiTrust, or Gallica, as well as a searchable catalogue of d’Holbach’s library, which was famously dispersed at an auction in 1789. Stay tuned!

P.S. for the Diderot fans among us: Prof Caroline Warman (Jesus College, Oxford) will present her latest book on Diderot’s Eléments de physiologie at 5 pm UK time on 18 June 2021. For more on this event and a registration link please click here.

Ruggero Sciuto

Left: Alan Charles Kors, D’Holbach’s coterie: an Enlightenment in Paris (Princeton, 1976); centre: Alain Sandrier, Le Style philosophique du baron d’Holbach (Paris, 2004); right: Mladen Kozul, Les Lumières imaginaires: Holbach et la traduction (Oxford University Studies in the Enlightenment 2016:05).

‘What can we know?’ – The prize questions of the French academies as media of knowledge reflection

Discours qui a remporté le prix à l’Académie de Dijon en l’année 1750 (Bibliothèque nationale de France).

‘Is the wisdom that stems from temper as reliable as that stemming from reason?’ (‘Si la sagesse qui vient du tempérament est aussi sûre que celle qui vient de la raison’, Académie des Jeux Floraux, 1725), ‘How much are the sciences indebted to poetry and literature?’ (‘Combien les sciences sont redevables aux belles-lettres’, Académie des Jeux Floraux, 1753), ‘Is the multiplicity of scholarly works in all genres more useful or more harmful to the progress of science and literature?’ (‘Si la multiplicité des ouvrages en tout genre est plus utile que nuisible aux progrès des sciences et des belles-lettres’, Académie de Pau, 1754), ‘What does the philosophical spirit consist in?’ (‘En quoi consiste l’esprit philosophique?’, Académie française, 1755) and, of course, Rousseau’s revelation: ‘Has the restoration of the sciences and arts contributed to the purification of morals? (‘Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs’, Académie de Dijon, 1750) – those questions are just a few examples taken from the prize contests of the French academies. They clearly indicate that the self-reflective turn of knowledge, most famously articulated in the first Kantian question: ‘What can I know?’ not only arose at the end of the 18th century in the sublime work of a (German) professor of philosophy, but already in the 1730s in a very popular medium of the enlightened republic of letters.

The academic prize questions in France and beyond should indeed be considered a popular medium as, at the time, they attracted more and more participants from virtually all strata of society and, especially, authors of average intellectual backgrounds. The competitors were typically members of the lower clergy, of the parlements or the artes faculties of the universities, as well as lawyers and physicians. But even artisans and peasants picked up their quill pens. When the concours was abolished by the Convention nationale in 1793, that meritocratic institution of the French academies had mobilized altogether more than 12,000 participants. This was above all due to the fact that the contests, judged on the basis of strict anonymity, were open to the general public without any restrictions regarding social rank, gender, money, or institutional membership, or, to quote the regulations of the concours at the Académie française: ‘All sorts of persons, of whatever nature they may be, will be invited to take part in this prize contest (‘Toute sorte de personnes de quelque qualité qu’elles soient, seront reçues à prétendre à ce prix’).

Recueil de plusieurs pièces d’éloquence et de poésie (Paris, 1696).

This self-reflective turn is particularly striking when one considers the historical evolution of the prize questions at the French academies. The genre seemed hardly predestined for such epistemological investigations. Established in 1670 at the Académie française in the disciplines of poésie and éloquence the concours académique was first of all the medium of the panegyric on Louis XIV and a forum for the discussion of traditional theological and moral topics. It was only in the course of the eighteenth century, in the wake of the second wave of academy foundations after the 1720s, that new fields of knowledge were explored and that the range of subjects treated in the prize competitions started to increase. This was mainly due to the new disciplines of the concours académique, the scientific prize questions (established at the Académie royale des sciences in 1720, five years after the Académie de Bordeaux) and the historical contests held at the Académie des inscriptions et belles-lettres since 1734. What is more, with the prix des sciences the new empirical knowledge of nature found its way into a genre that had originally been established for cultivating the tradition of poetry and eloquence and hence the knowledge of the textual tradition.

Programme for the ‘prix de morale’ of the Dijon Academy of sciences 1743.

In the course of the 18th century the rhetorical prize questions, which remained one of the pillars of the genre, also underwent an important change, both regarding the modes of argumentation and the subjects proposed. Under the influence of Enlightenment discourse the contests, notably at the provincial academies, dealt more and more with the new philosophical topics of the time, in particular with the changing role of the arts and sciences and the epistemic status of rhetorical knowledge in relation to the observational insights of the flourishing natural sciences. Hence, since the 1730s, the questions set aimed explicitly at launching a debate on the contemporary development of knowledge in the republic of letters. This led to what one can call self-reflection of knowledge; self-reflection based, amongst other things, on the emerging specialisation of knowledge and further stimulated by the appearance of the Encyclopédie in the 1750s. This tendency was also very present, of course, in the philosophical competitions of the Berlin Academy of Sciences starting in 1747 with a question on Leibniz’s theory of monads. What is particularly interesting (and charming) about the French contests, however, is the fact that here the philosophical insights resulted from a deepened reflection on classical rhetorical topics such as ‘Is it of more use to study men or books?’ (‘Est-il plus utile d’étudier les hommes que les livres?’, Académie de Dijon, 1757).

Discours qui a remporté le prix en l’année 1755 (Académie française).

The rhetorical prize questions thus became a textual medium in which the crucial epistemic transformations within the republic of letters since the 17th century were reflected. They mirrored the changes that accompanied the shift towards written communication and towards the periodical production and accumulation of factual knowledge. What is more, several of the prizewinning essays put forward a fundamental critique of the claim to universal knowledge asserted by the exact sciences. This critique of science and of its belief in method argues, as does the Jesuit Father Guénard in his discourse on the esprit philosophique (Académie française, 1755), that reason unaware of its own limitations becomes dogmatic and finally turns into the opposite of what it set out for.

The recognition of the boundaries of technical rationality and of the ‘dialectic of enlightenment’ are phenomena uncovered in the 20th century, but they are also contemporary to the age of the ‘Lumières’ itself, one can argue, and developed in the plain public light of its most popular medium.

Martin Urmann, Collaborative Research Center Episteme in Motion, Freie Universität Berlin

This blog first appeared in Café Lumières: 18th-century research in dialogue, October 2020.

Mapping a polycentric Republic of Letters in eighteenth-century Mexico

Map of Mexico or New Spain (1708), by Herman Moll. (Wikimedia Commons)

The viceroyalty of New Spain – whose territory largely corresponded to that of present-day Mexico – was, during the eighteenth century, the most important intellectual hub in Latin America and a place of extraordinary scholarly endeavors. During this period Mexico’s viceregal society saw the publication of its first regularly issued newspapers (for example the Gazeta de México), its first biobibliography of Mexico’s written production (Bibliotheca Mexicana), its first scientific periodicals (such as the Diario literario de México), and one of the first – if not the first – science fiction works of the region (Un viaje novohispano a la luna). Despite these achievements the literary production and intellectual life of eighteenth-century Mexico has been overlooked. Why? Perhaps one of the reasons lies in the need for scholarship on this era to go beyond the analysis of the traditional models and genres of the Hispanic Golden Age studied by specialists of the early modern period. Given that literatura was an umbrella term that, during the eighteenth century, extended to almost the entire universe of writing, I think that the literary production of this time in Mexico is best approached as the product of the complex historical, scientific, philosophical, and religious inquiry that marked the era. Viceregal scholars, the practitioners of this literature, were polymaths that notably held a wide array of scholarly interests.

Front pages of the first issues of Mercurio volante (1772-1773), a scientific periodical edited by José Ignacio Bartolache (left), and of Gazeta de literatura de México (1788-1795).

My study Polemics, literature, and knowledge in eighteenth-century Mexico: A New World for the Republic of Letters aims to fill this critical void by analyzing how eighteenth-century Mexican writers sought to establish their local literary republic’s place within the global community of learning. These individuals formed scholarly networks, engaged in the historical exploration of the past and present, and configured new epistemological approaches to literary production inspired by enlightened ideas. Polemics of different kinds, as suggested in the title of my study, played a crucial role in the formation of scholarly circles. One of the first of such controversies was related to the lack of recognition by European scholars of the intellectual capacities of those born in the Americas. In order to debunk existing prejudices and to be considered part of the res publica literaria, Mexican scholars were eager to showcase their intellectual attainments to Europe. For these scholars, the Republic of Letters was polycentric, with one of its centers located precisely in viceregal Mexico.

Many literary works of this era not only utilized scholarly polemics as unique points of departure, but also gave rise to new controversies. Beyond Mexican scholars’ efforts to defend the intellectual capacities of fellow inhabitants of the New World, these writers, especially during the last quarter of the eighteenth century, were involved in internal, epistemological battles related to the practice of knowledge. My book not only highlights the efforts of scholars in eighteenth-century Mexico to construct a polycentric Republic of Letters in order to receive recognition from their European peers, but also demonstrates the extent to which the intellectual realm was dynamic within the viceroyalty.

Elementa recentioris philosophiae, by Juan Benito Díaz de Gamarra (Mexici, 1774) (Bodleian Library)

As such literary debates on knowledge attest, several intellectual circles coexisted in the viceroyalty that, due to their different characteristics, grew increasingly distant over time. In the works of some Mexican authors there existed two chronologically distinct Republics of Letters, that from the pre-Columbian era and that which emerged after the Spanish conquest. In the late eighteenth century, however, several publications attested to the simultaneous existence of at least two distinctive groups of scholars, one that was old and pertaining to scholasticism – the philosophical-educational system traditionally ruling the world of scholars – and another that was new, or modern, and influenced by enlightened ideas. In other words, the seemingly stable idea of the Republic of Letters in the mid-eighteenth century was to fall apart in the following decades, when Enlightenment-inspired criticism, opposition to ancient authorities, and philosophical and scientific development concerned with social realities put into play innovative approaches to knowledge and the practice of religion in the viceroyalty.

With Polemics, literature, and knowledge in eighteenth-century Mexico: A New World for the Republic of Letters, I invite those scholars devoted to the study of eighteenth-century cultures to engage in an examination of a less-explored scholarly territory and its networks, and to think about how it was heterogeneously constructed by many-sided polemics and debates manifested through a broad range of literary works.

– José Francisco Robles, University of Washington

Polemics, literature, and knowledge in eighteenth-century Mexico is part of the Oxford University Studies in the Enlightenment series, published in collaboration with the Voltaire Foundation, University of Oxford.

This blog first appeared in the Liverpool University Press blog in April 2021.