Cramer, Voltaire et les Lumières: la librairie entre deux ères

Lettre de Voltaire à Gabriel Cramer (Institut et Musée Voltaire, ms.ca.229_001).

Pourtant serviteurs fidèles de la plume du philosophe depuis l’installation de ce dernier à Genève en 1754 et jusqu’à l’édition dite ‘encadrée’ de 1775, Gabriel et (dans une moindre mesure puisqu’il quitte la librairie en 1762) Philibert Cramer nous sont relativement peu connus. D’ailleurs, ce que l’on sait d’eux provient essentiellement des innombrables billets, corrections et plaintes en tout genre que leur adresse Voltaire. Tantôt paresseux, tantôt dissipés, voire parfois un peu filous, ils se montreraient, en général, incapables de satisfaire les exigences de Voltaire en matière d’impression de ses ouvrages. Asymétrique, incomplète, et en partie tournée pour dérouter les lois de censure, cette seule correspondance ne permet pourtant pas d’apprécier à sa juste valeur la collaboration entre Voltaire et ses imprimeurs-libraires genevois, ni de se rendre compte de ce qu’est la maison Cramer à Genève et dans l’Europe du livre au XVIIIe siècle.

Premièrement, focaliser l’histoire de la librairie Cramer sur ses seules années voltairiennes, aussi florissantes fussent-elles, ne conduit-il pas à négliger ce que Voltaire doit à ses librairies, et donc à minimiser l’importance de la maison Cramer avant Voltaire? Deuxièmement, tant par sa durée que par sa qualité – après tout, les Cramer font partie du cercle de Voltaire pendant plus de vingt ans – celle-ci ne peut se réduire à un rapport de force compliqué entre un auteur tyrannique et ses imprimeurs paresseux. Au contraire, n’évoque-t-elle pas jusqu’à une forme de connivence entre les deux parties? Troisièmement, c’est surtout par sa nature que la relation entre Voltaire et les Cramer doit être reconsidérée. En misant l’essentiel de leur activité sur la plume d’un seul auteur, aussi célèbre et productif soit-il, n’ont-ils pas fait œuvre de pionniers et anticipé le modèle éditorial des siècles suivants? Ce sont ces questions qu’aborde l’ouvrage De l’encre aux Lumières, récemment paru aux éditions Slatkine.

Portrait de Philibert Cramer, c.1758, par Jean-Etienne Liotard (1702-1789).

Si la librairie Cramer nous est connue, c’est certes d’abord, grâce à Voltaire. Pourtant, Gabriel et Philibert Cramer sont les héritiers d’une maison solidement ancrée à Genève, issue d’une famille protestante présente dans la cité de Calvin depuis 1634, date de l’arrivée de leur ancêtre Jean-Ulrich Cramer. C’est d’ailleurs ce dernier qui, après avoir été reçu bourgeois en 1668, dirige son fils cadet Jean-Antoine (1655-1725) vers un apprentissage d’imprimeur-libraire auprès de la célèbre maison Chouet. Aussi étonnant qu’il puisse paraître, ce choix rappelle l’importance grandissante de l’industrie du livre à Genève, à partir du XVIIe siècle. La cité de Calvin, qui repose sur un territoire étroit, indépendant politiquement, protégé géographiquement des grandes puissances, se nourrit cependant de son commerce avec l’extérieur, notamment via le Rhône. Terre d’accueil de nombreux protestants en exil durant les XVIe et XVIIe siècles, Genève se spécialise dans l’industrie de la draperie, de l’orfèvrerie, de l’horlogerie, ainsi que, plus tardivement, de la librairie. Commerce ouvert sur l’Europe, la librairie contribue à la circulation des savoirs et des capitaux à partir de Genève, favorisant l’enrichissement de la cité-République; en retour, la censure y est modérée par rapport aux pays voisins. Les libraires peuvent même gravir les échelons de la très hiérarchisée société genevoise, tout en fournissant l’Europe en livres parfois interdits ailleurs. Ils étendent, dans le même temps, leur réseau vers des marchés toujours plus éloignés. Ainsi Jean-Antoine n’arrête-t-il pas son apprentissage au métier d’homme de plombs: son statut est bien celui d’un marchand, et sa carrière le conduit à sillonner les foires de livres de toute l’Europe.

Marque typographique de Léonard Chouet (image Universitat de Barcelona).

C’est sans doute dès cette époque que se construit l’impressionnant réseau de correspondants européens de la future librairie Cramer, dont témoigne encore aujourd’hui le ‘Grand Livre’ conservé aux Archives d’Etat de Genève. Jean-Antoine Cramer ne tarde pas, de son côté, à se rendre indispensable auprès de son maître Léonard Chouet (164?-1691), qui en fait même son associé en 1680 pour fonder l’enseigne ‘Léonard Chouet et Cie’. A la mort de Chouet, Cramer s’associe à Philibert Perachon (1667-1738) pour racheter le fonds de son ancien maître et faire prospérer la maison: pour cela, il fait notamment évoluer le catalogue, publiant moins d’ouvrages de théologie réformée, contre davantage d’ouvrages de droit, de médecine, de chimie ou d’anatomie. Malgré des temps difficiles, notamment au tournant des XVIIe et XVIIIe siècle, le succès est au rendez-vous et voit l’entreprise quitter les Rues Basses pour la fameuses Grande Rue de Genève.

A la mort de Jean-Antoine en 1725, c’est à son fils Guillaume-Philibert (1693-1737) que revient la tâche de reprendre le commerce, toujours avec Perachon. Epoux depuis peu de Jeanne-Louise de Tournes, elle aussi issue d’une importante famille de libraires genevo-lyonnaise, et héritier du fonds de Chouet et des contacts noués par son père, il dispose d’atouts solides à Genève et à l’étranger pour rendre son commerce incontournable. Son décès jeune, auquel s’ajoute une année après celui plus attendu de Philibert Perachon, accélère la transition vers l’ère de Gabriel et Philibert Cramer. Les deux fils de Guillaume-Philibert sont trop jeunes pour diriger l’entreprise. Ils sont d’abord placés sous la tutelle de leur mère, laquelle cède une part de l’entreprise aux frères Claude et Antoine Philibert le temps que ses fils accomplissent leur apprentissage et atteignent la majorité. La Société ‘Héritier Cramer et frères Philibert’ est créée en 1738. Elle devient ‘Frères Cramer et Claude Philibert’ en 1748, puis, enfin, ‘Frères Cramer’ en 1753. Durant ces quinze années, Gabriel Cramer fait évoluer son catalogue: en plus des classiques édités déjà du temps de son grand-père – comme les Opera Omnia de Cicéron – et de la littérature scientifique et religieuse en latin, à destination surtout des jésuites d’Espagne, on commence à trouver sous ses presses des livres en français, et même, dès 1749, un Zadig placé au milieu d’une Bibliothèque de campagne.

Cicéron, Opera Omnia (Basileæ, 1687) (Université de Basle).

Dresser, même succinctement, le parcours de la famille Cramer dans la librairie genevoise jusqu’à ce premier rendez-vous avec Voltaire, permet déjà de rappeler que, au moment où ils adressent une première lettre à l’auteur de Zadig, le 15 avril 1754 (D5575), Gabriel et Philibert ne se présentent pas en victime expiatoire. C’est autant leur connaissance du marché du livre que leur ascendance qui leur donnent des arguments pour tenir tête au patriarche. Imprimeurs-libraires avisés, au bénéfice d’un savoir-faire reconnu, bien ancré dans le tissu local, et disposant d’un solide réseau de diffusion dans l’Europe du livre du XVIIIe siècle, ils offrent en outre exactement ce que cherchait Voltaire après son échec à Potsdam: une presse à portée de main, à proximité de la France, habile à déjouer les autorités politiques et religieuses. Les Cramer trouvent de leur côté en Voltaire un auteur à la fois sulfureux, prolifique et célèbre, qui assure la prospérité de la maison. Bien plus, ce dernier développe avec Gabriel – qui se fait appeler ‘Caro’, ‘Frère’, ‘Prince’ ou ‘gros’ selon les humeurs de Voltaire – une véritable familiarité, nourrie par une passion commune pour le théâtre et les mondanités. L’un et l’autre maîtrisent parfaitement les rouages propres aux mondes du livre sous l’Ancien Régime et s’entendent à tirer les ficelles utiles au bon déploiement des activités de la presse. C’est à l’aune de cette relation particulière que se dévoile un rapport, inédit pour l’époque, entre un auteur et celui qui agit comme un véritable éditeur, au sens commercial du terme.

Gabriel Cramer, Introductions à l’analyse des lignes courbes algébriques (Genève, 1750).

Cette approche de la relation Cramer-Voltaire par le biais de l’histoire du livre permet de reconsidérer les forces en présence. Elle permet également de nuancer le récit de la fin de l’aventure éditoriale entre Voltaire et ses imprimeurs-libraires genevois. Souvent pensée comme la conséquence de la supposée paresse de l’‘éditeur’ ou de l’insatisfaction de l’auteur, ce récit gagne en consistance si on la replace dans la perspective de histoire de la librairie sous l’Ancien Régime. Il faut ainsi prendre en considération celui qui en est aussi un des principaux protagonistes: Charles-Joseph Panckoucke, libraire lillois, dont le but est de redonner à la librairie française la place qui lui revient dans un marché jusque-là dirigé par les presses clandestines étrangères. Force montante de la librairie en France depuis les années 1760, il s’immisce progressivement entre Cramer et Voltaire à partir des années 1770, au sein de deux collaborations importantes: une édition in-4o des œuvres de Voltaire qu’il subtilise à Cramer et un projet (avorté) de réédition de l’Encyclopédie entament en effet leur relation. Parfaitement décrit par Suzanne Tucoo-Chala, ces épisodes contribuent à éloigner Cramer de ses activités voltairiennes; le poussent à s’endetter fortement, en papier, mais aussi en presses destinées à imprimer les planches en taille douce; le conduisent à révéler à Panckoucke son réseau de diffusion. Fragilisé, Cramer a-t-il encore les ressources pour lutter avec Panckoucke? Sans compter que la perspective d’une dernière édition publiée en France paraît aussi séduire un Voltaire alors âgé et soucieux de sa postérité littéraire, et joue indubitablement en faveur du lillois lorsque celui-ci vient, accompagné de Decroix, proposer un nouveau plan de ses œuvres complètes. C’est symboliquement sur la dernière édition publiée par Cramer, l’édition dite ‘encadrée’, que Voltaire corrige les textes destinés désormais à Panckoucke.

En devenant les imprimeurs-libraires attitrés de Voltaire, les frères Cramer ont renouvelé la façon d’envisager le métier d’imprimeur-libraires. En misant presque toute leur activité sur un seul auteur, ils ont su s’appuyer sur un savoir faire et un réseau solidement ancré pour révolutionner le métier pratiqué par leurs ancêtres. Mais n’ont-ils pas dans le même temps contribué à façonner le modèle de l’éditeur qui s’implante, dès la fin du siècle, de façon plus aboutie, avec Panckoucke? Leur histoire s’achève bien là où commence L’autre histoire de l’édition française présentée par Jean-Yves Mollier, et qui conduit des débuts de Panckoucke à l’avènement des grandes maisons du XIXe siècle.

– Nicolas Morel

Voltaire… True or false?

Art historians have developed sophisticated techniques to detect forgeries. Sotheby’s has its own ‘fraud-busting’ expert. Most of the world’s leading museums have whole departments devoted to distinguishing the real from the fake. Thanks to modern research methods, scores if not hundreds of famous paintings have been re-classified. Many pictures believed to have been painted by Rembrandt, for instance – several in national collections – are now re-labelled school of or follower of. Similarly, some paintings that were believed to be by an obscure master are now deemed to have been painted by the great Rembrandt himself. Documentary records such as inventories, letters, catalogues, or invoices, chemical analysis of canvas and paint, X-ray imaging, and carbon dating can all be valuable tools and precious auxiliaries to the museum curator. The style and quality of a painting are generally the strongest arguments for its authenticity. When material evidence supports the expert’s eye, the case is sealed. The same criteria apply, mutatis mutandis, to literary history and to the establishment of authorship.

Title page of Candide, deuxième partie (n.p., 1760) (Bibliothèque nationale de France).

Researching Candide, seconde partie, several years ago, I came across an index card in the old, printed catalogue at the British Museum Library with the handwritten note ‘spurious’ scrawled across the top. I was puzzled. It was the first time that I had encountered that word in the context of Voltaire’s writing. The word ‘apocryphal’ appeared on another card. Something was amiss. In all the eighteenth-century editions of Candide, seconde partie I consulted, the second part was bound alongside the first. Moreover, it was translated under Voltaire’s name into several languages. Both parts, 1 and 2, were printed together in the popular Modern Library edition. Countless undergraduates had read it. Had no one noticed that Candide, seconde partie was not the genuine article? I began wondering about the status of this bizarre continuation, which includes, in its second chapter, a scene of brutal homosexual rape. I soon perceived that in terms of style the second part had little in common with the original. Voltaire’s distinctive tone, combined with his verbal sophistication, his brush strokes as it were, are not easily mimicked. Unlike his imitator, Voltaire suggests obscenity without being vulgar.

Title page of H.-J. Dulaurens, Le Compère Mathieu, vol.1 (London, 1761) (Taylor Institution Library).

My research (conducted with the assistance of Gillian Pink) confirmed the hypothesis originally floated by Emile Henriot in 1925 that Candide, seconde partie was in fact written by the unfrocked monk Henri-Joseph Dulaurens (‘La seconde partie de Candide, Le Temps, 17 février 1925). Voltaire was aware of Dulaurens, whose satirical poem Les Jésuitiques (1761) must have caused him to chuckle when he read it. He commented on another work by Dulaurens, Le Compère Matthieu (1766), which he noted was written in the style of Rabelais (D14938): ‘Il y a un théatin qui a conservé son nom de Laurent qui est assez facétieux, et qui d’ailleurs est instruit: il est auteur du compère Matthieu, ouvrage dans le goût de Rabelais, dont le commencement est assez plaisant, et la fin détestable.’ But reading Voltaire is sometimes akin to entering a hall of mirrors. The distorted images flee before our eyes. Now and then we nevertheless catch his gaze. By way of a joke, he attributed his own Relation du bannissement des Jésuites de la Chine (1768) to ‘l’auteur du Compère Matthieu’ (D14915 to Charles Bordes). Et rira bien qui rie le dernier!

Title page of Relation du bannissement des Jésuites de la Chine (Amsterdam, 1768) (Taylor Institution Library).

The late Patrick Lee averred that every collected edition of Voltaire’s writings from 1728 until the last one printed before his death includes spurious, apocryphal, and misattributed works (‘The apocryphal Voltaire: problems in the Voltairean canon’ in: The Enterprise of Enlightenment. A Tribute to David Williams from his friends, ed. Terry Pratt, David McCallam, David Williams, Oxford, 2004, p.265-73). Voltaire himself noted with characteristic flamboyance: ‘On ferait une bibliothèque des ouvrages qu’on m’impute. Tous les réfugiés errants font de mauvais livres et les vendent sous mon nom à des libraires crédules. […] On me répond que c’est l’état du métier. Si cela est le métier est fort triste’ (letter to Damilaville, 17 December 1766, D13744). But what of the hundreds of works that Voltaire published under an assumed name? And what of those that appeared anonymously? And what of those that, for one reason or another, he did not include in his collected works. And what of his persistent denials and obfuscations? And what of his works published posthumously? Questions like these take us to the heart of Voltaire’s psychology as a literary artist. His protean nature both as a writer and a public figure has meant that every utterance must be approached warily. Take for instance his presumed denial over the authorship of Candide, seconde partie contained in the following paragraph, though this is not in fact deemed to have been written by Voltaire. The claw emerges from beneath the soft pad. At best, it would appear to bear the stamp of his ‘circle’.

Let us quote it and let the reader decide (Journal encyclopédique, août 1761, p.144): ‘Il y a quelque tems qu’il a paru en France une seconde partie de Candide: on n’en a pas lû quatre lignes, qu’on voit très-clairement que cette suite n’est pas de la même plume que la première. Quelle différence! ce seroit bien là le cas de dire: non licet omnibus adire Corinthum, mot usé à la vérité, mais trouve ici très-bien sa place. Quelques personnes malintentionnées, sans doute, ont fait courir le bruit que cette brochure étoit de Mr. Campigneulles. Il la désavoue formellement, mais il dit dans son désaveu que quelques Gens de Lettres l’ont trouvée assez bien pour parier qu’elle étoit d’un homme très-illustre en Europe: ces prétendus Gens de Lettres sont des imprudents à qui nous conseillons de retirer promptement leur enjeu.’

The monumental task of publishing Voltaire’s writings has been undertaken several times since his death in 1778. Each generation has approached the project with the resources at its disposal and with the most up-to-date scholarship; and each built on the successes (and shortcomings) of the last. Over time, many works have been added to the canon, and others removed. It was Gustave Lanson early in the last century who summarized the scientific approach to literary history in his ground-breaking article Comment Voltaire faisait un livre (1908). His method, briefly stated, consisted in the painstaking gathering and interpreting all the documents that have come down us to reconstruct plausibly, and coherently, the story of how each work was written.

Establishing the Voltairean canon along scientific lines has been the objective of the Voltaire Foundation’s edition of the Œuvres complètes de Voltaire (OCV) these past fifty years. It has been an ambitious enterprise. But since the early 1950s exciting new tools have become available, some due to the drive and energy of Theodore Besterman. For the first time it was possible to apply the scientific method rigorously to Voltaire’s entire œuvre. Et quel œuvre! No writer wrote as much as Voltaire. This month the most extensive publishing venture in Europe (et par conséquent de toute la terre!) draws to a close with the publication of the final volume in the collection: Textes attribués à Voltaire, numbered 147. In all, 205 volumes have been printed, representing the collaboration of scores of eminent scholars from around the world.

In his Epître à Horace, Voltaire wrote, ‘J’ai fait un peu de bien: c’est mon meilleur ouvrage.’ Volume 147 of the OCV is a tribute to the great man, his massive corpus of writings, and enduring presence in the modern mind. The Œuvres complètes is a monument to the European Enlightenment and to scholarship at its best.

Edouard Langille

The Russian Enlightenment Bible in Oxford

In October-November 2021 I had the privilege of holding a visiting fellowship at the University of Oxford’s Bodleian Libraries to work on my current monograph project about the place of the Bible in eighteenth-century Russia.

What was the ‘Bible’ in eighteenth-century Russia? Although printed church books, including volumes containing the Biblical texts needed for worship, had been printed in Muscovy since the mid-sixteenth century, the first complete Bible was printed in Muscovy in the mid-seventeenth century, in 1663 – about two hundred years after the Gutenberg Bible was printed in the West. It was in Church Slavonic, the language based on Old Bulgarian that is used to this day in Russian Orthodox worship and church books; Church Slavonic, in the eighteenth century as today, differed significantly from spoken Russian without being completely incomprehensible with a bit of practice. The Slavonic Bible text was created in the Middle Ages and was, in theory, based on the Greek text throughout (the reality was rather more complicated, and in some cases Latin sources were used). The Slavonic version of the Old Testament therefore largely followed the Greek Septuagint, unlike Protestant Bibles like the German Luther Bible and the English King James Bible, which are based on the Hebrew text. In the first half of the eighteenth century, on the initiative of Peter the Great, an effort was made to revise the Slavonic Bible text, standardizing it and bringing it consistently into agreement with the Greek. This revision was first published in 1751 and is known as the Elizabeth Bible. The corrected 1756 edition of the Elizabeth Bible remains to this day the authorized version of the Bible used in the Russian Orthodox Church. While literary paraphrases of portions of the Bible, such as the Psalms, had been a major literary genre since the seventeenth century, full-blown translation into modern, spoken Russian remained essentially out of the question until the turn of the nineteenth century. The first full Russian edition of the New Testament appeared in 1822 on the presses of the Russian Bible Society, a non-Church organization with the support of the British and Foreign Bible Society; it elicited strong resistance, and a full Russian Bible, known as the Synodal version, appeared only in 1876.

However, despite increasingly frequent printings of the full Slavonic Bible from 1751 onward, very few copies of the Bible published as a single edition were likely to reach readers outside the Church. There were more frequent editions of the sections of the Bible most used in worship, like the Gospels. But even these editions were mostly for use within the Church. Only the Psalter was very likely to have been read by most literate Russians: it was the third and last in the sequence of standard textbooks used to teach children to read, following a primer and the breviary.

Psaltir’ (v Kievopecherskoi Lavre, 1807). The Bodleian Libraries, University of Oxford, Broxb. 2.5.

Among its extensive collection of Bible-related treasures, including a magnificent copy of the famous Gutenberg Bible, the Bodleian holds a small but significant array of editions of Russian and Slavonic Biblical books of the late eighteenth and early nineteenth centuries. Most of these editions come from the collections of two eminent nineteenth-century scholars: Oxford’s first professor of Russian, William Morfill (1834-1909), and the orientalist Rev. Solomon Caesar Malan (1812-1894), who donated his library to Oxford’s former Indian Institute. Whereas Slavonic and Russian Biblical texts formed part of Morfill and Malan’s working collections, other editions ended up in the Bodleian for other reasons. One of my personal favourites is a beautiful Slavonic Psalter, printed in 1807 at the Kiev Monastery of the Caves. It is part of the Broxbourne collection, made up of books selected for their rare bindings.

Comparing the Broxbourne Slavonic Psalter with an early edition of the Russian Psalter published in 1822 by the Russian Bible Society illuminates the revolution that took place in the experience of reading the Bible at the turn of the nineteenth century. The Broxbourne Psalter is a pocket-sized, luxurious edition, printed in ornate Church Slavonic on gilt-edged pages, with images of Christ and the Mother of God stamped on its leather covers and its own leather carrying case. The Biblical text comes framed by the full authority of State and Church. The title page proclaims that the Psalter was printed on the orders of Emperor Alexander I and lists by name the entire imperial family at the time; these names recur at the very end of the volume in the pomiannik, or prayers for the commemoration of the living and the dead. In content it is a typical Malaia Psaltir’, or Little Psalter, meaning that the Psalms are divided into the 20 kathismata, or groups for liturgical reading, and accompanied by the corresponding prayers. The text of the Psalms is likewise preceded by catechetical material like the Athanasian Creed to ensure that the Psalms are read in the context of the Orthodox faith. By contrast the 1822 Kniga khvalenii ili Psaltir’ na rossiiskom iazyke (Book of Praises or Psalter in the Russian Language) is a simple, slim volume in Russian only.

Kniga khvalenii, ili Psaltir’ na rossiiskom iazyke, 6th edn (St Petersburg: v Tipografii Rossiiskago Bibleiskago Obshchestva, 1822). The Bodleian Libraries, University of Oxford, Ps. Russ. e. 1.

The title page looks like that of any other secular book. Although the book’s short foreword, addressed ‘To the Christ-loving Reader’, is signed by a metropolitan and two archbishops, it is almost entirely philological, explaining the necessity for and principles behind the present Russian translation. The text of the Psalms appears alone, without any indications of how it might be used in worship; the lines have been numbered for ease in citation. Holding these two volumes side-by-side, one can easily see how the Bible Society Psalter might well have been perceived as a shocking Protestant innovation designed to rip apart the Orthodox faith. The story is of course not so simple, since the Bible Society piously intended to spread the faith through their publications. Yet, in its material form, the Scriptural text itself appears to have been secularized. These two little books present in a nutshell the drama and ambiguities of Holy Scripture in an age of secularization.

– Kelsey Rubin-Detlev