Rousseau au travail

Dans l’atelier de Jean-Jacques Rousseau. Genèse et interprétation, c’est d’abord le choix d’un point de vue – adopté dans la nouvelle collection « Dans l’atelier de… » aux éditions Hermann – : celui d’entrer dans une œuvre depuis l’espace de travail de l’écrivain au milieu de ses manuscrits. Chez un auteur comme Rousseau, autant dire tout de suite qu’il s’agit d’une invitation au voyage.

Récit de l’atelier et métier de l’écrivain
Nathalie Ferrand, Dans l’atelier de Jean-Jacques Rousseau.

Pour faire entrer les lecteurs dans l’espace de travail de Rousseau, le premier chapitre commence par l’observer tel qu’il s’est lui-même raconté quand il se plaçait face à une page blanche. On traverse ainsi une série de lieux d’écriture les plus divers – chambres d’hôtel, lazaret à Gênes, « donjon » de Montmorency, « laboratoire » de Môtiers… –, qui, mis bout à bout, forment ce que j’ai appelé un « récit de l’atelier », à considérer comme une première trace documentaire pour cerner l’image de l’écrivain dans laquelle Rousseau se projette, et comme une rêverie quasi bachelardienne sur les espaces de l’écriture. Dans cette visite ambulante et guidée par l’auteur lui-même d’un atelier de travail polymorphe, se révèlent sa conception et sa pratique du métier d’écrivain au XVIIIe siècle, sont mises en situation ses valeurs, ses aspirations, parfois ses hantises vis-à-vis d’une destinée qu’il finit par vivre comme une douloureuse fatalité, au point que dans les dernières années son écriture entre quasiment en clandestinité.

Un legs imposant et éclaté

Quelle est l’ampleur du corpus des manuscrits de travail de Rousseau ? On peut l’estimer à environ 17 000 pages autographes (ch.2, p.62) qui, rappelons-le, ne sont qu’une partie des manuscrits issus de sa main (lettres et minutes de sa correspondance, notes de secrétaire prises pour ceux qu’il sert, copies de textes ou d’œuvres musicales qu’il réalise en tant que copiste pour gagner sa vie…). En tout cas, c’est beaucoup si l’on considère qu’à l’époque la conservation des ébauches était loin d’être une habitude, et si l’on tient compte de la vie accidentée de l’auteur. Parmi ces papiers, se trouvent des premiers jets tracés hâtivement au crayon, des mises au net remaniées mais aussi, à l’autre bout de la chaîne, plusieurs manuscrits pour l’imprimeur préparés par Rousseau lui-même et qu’il retravaille encore et encore, jusqu’au seuil de la publication. Ceux-ci sont exceptionnels, car ils étaient en général détruits après l’impression. Parmi eux, figure celui de la Lettre à D’Alembert qui vient d’être acquis par la Fondation Bodmer à Cologny et ainsi rendu aux chercheurs du monde entier.

Manuscrit autographe de la Lettre à D’Alembert envoyé à M.-M. Rey pour l’impression en 1758, avec des corrections de l’auteur dans le texte (ajouts marginaux et biffures). Le feuillet inséré qui contient le texte d’une note ajoutée n’est pas de la main de Rousseau. (Avec l’aimable autorisation de la Fondation Bodmer, Genève.)
Lecture génétique d’un chef-d’œuvre : Julie, ou La Nouvelle Héloïse

Après un tour d’horizon concernant la situation la plus actuelle des manuscrits pour les principales œuvres de Rousseau, sans oublier le cas fascinant de la Correspondance avec ses nombreux brouillons encore conservés, le chapitre suivant se consacre à une œuvre en particulier, son roman épistolaire La Nouvelle Héloïse, dont on peut suivre la genèse en disposant sur une table imaginaire son impressionnant dossier génétique enfin (numériquement) rassemblé – sept mille pages, avec quelques versions inconnues de certains passages. Tandis que l’œuvre s’étoffe et se transforme au fil de ses rédactions, une poétique romanesque en acte émerge du fouillis des réécritures, l’écrivain juge son travail avec ses notes de régie et suggère les normes qui le guident, les phases créatives deviennent repérables et interprétables.

Page avec note de régie dans un brouillon de La Nouvelle Héloïse (Lettre 18 de la IIIe partie ; Paris, BnF : NAF 28006, f.12r / Gallica).

On considère souvent que Rousseau est un écrivain de la spontanéité, du sentiment, de l’effusion, un auteur qui pratiquerait une forme d’écriture instinctive. Il faut réviser ce point de vue : il est plutôt un écrivain du repentir, de la retouche corrective, du contrôle de soi, de la maîtrise. Et c’est aussi un écrivain autodictate qui joue, d’une manière géniale, avec cette culture qui ne lui était pas donnée au départ. L’un des mécanismes les plus frappants de son invention littéraire tient à ce jeu, à ces ancrages référencés qu’il construit au fil du travail de l’écriture avec un immense patrimoine littéraire et philosophique. Dans La Nouvelle Héloïse, on le voit ajouter au fil de la rédaction toute une série d’allusions lettrées, à la poésie italienne par exemple (des citations qui ne sont jamais ornementales mais profondément pensées). Au seuil de la publication, il décide d’ajouter dans le manuscrit pour l’imprimeur la mention explicite, en note de bas de page, de deux romanciers de son temps, S. Richardson et Mme Riccoboni, ce qui inscrit l’œuvre dans son époque littéraire et en avoue encore davantage l’appartenance générique. L’étude des brouillons donne également à comprendre l’invention du système des noms et pseudonymes (St. Preux, Héloïse) qui innerve la structure symbolique et pulsionnelle du roman.

Les bibliothèques du promeneur solitaire

Il vaut vraiment la peine de s’intéresser à la bibliothèque de Rousseau et d’en ouvrir les quelques volumes aujourd’hui connus, si l’on veut réellement comprendre quel laboratoire de l’écriture ses livres ont pu constituer pour lui. Cet aspect, qui est l’objet du dernier chapitre, n’a jusqu’à présent été que peu étudié. Or comme Voltaire, Rousseau fut un « marginaliste » écrivant dans les livres ; mais différemment de lui, il a périodiquement vendu ses bibliothèques, de sorte qu’aujourd’hui il n’y a pas un endroit où ils seraient tous rassemblés. La vente la plus significative se fit à Londres, au début de l’année 1767, avant qu’il ne quitte l’Angleterre. L’échange de lettres entre Rousseau et ses amis britanniques qui eut lieu alors nous fait comprendre à quoi ressemblaient ses livres après être passés entre ses mains (beaucoup étaient autographés) ; il révèle aussi le type d’intérêt que les contemporains pouvaient avoir pour les bibliothèques d’écrivains, dès le milieu du siècle des Lumières – Diderot avait vendu la sienne à Catherine II deux ans auparavant. Parmi les mille volumes de la bibliothèque « anglaise » de Rousseau qui fut achetée en grande partie par Vincent Louis Dutens – huguenot installé à Londres, futur membre de la Société royale de Londres et historiographe du roi d’Angleterre –, certains se trouvent encore en Angleterre. C’est le cas des Œuvres de Platon aujourd’hui à la British Library ou de l’édition partielle des Lettres écrites de la campagne de J.-R. Tronchin qui est à la Bodleian Library à Oxford, dans laquelle Rousseau rédige les premiers jets de ses Lettres écrites de la montagne, l’un de ses derniers textes publiés. En revanche, le volume des Essais de Montaigne annoté par Rousseau aujourd’hui à Cambridge a connu une autre trajectoire, car ce volume faisait partie de la petite collection de livres que Rousseau avait gardé auprès de lui jusqu’au moment de sa mort à Ermenonville. Parmi les autres auteurs de son panthéon littéraire, son exemplaire commenté de De l’esprit d’Helvétius aujourd’hui à la BnF à Paris est d’autant plus intéressant que de leur côté Diderot et Voltaire ont eux aussi annoté le leur, et qu’on peut comparer leur manière de s’approprier depuis ses marges un texte si important.

Exemplaire de De l’esprit (Paris, Durand, 1758) d’Helvétius commenté par Rousseau (Paris, BnF : RES-R-895, p.79 / Gallica).

Chez Rousseau, la note marginale s’adapte au texte sur lequel elle se greffe et varie fortement d’une œuvre à l’autre, non pas seulement du point de vue du contenu mais dans sa forme et son style. Il n’annote pas Montaigne comme il annote Platon, Helvétius ou même Voltaire (dont on découvrira que Rousseau l’a annoté deux fois). Le rapport de Rousseau marginaliste à ses livres montre à quel point il s’engage dans sa lecture et peut se transformer lui-même dans la profondeur du dialogue qu’il établit avec l’auteur lu. Mais surtout au cours de sa lecture active, il lui arrive de déposer des états préparatoires de ses propres œuvres, comme cette esquisse jusqu’à présent ignorée d’une lettre de La Nouvelle Héloïse inscrite au crayon sur une page de garde des Œuvres de Platon. Elle peut rejoindre désormais le dossier génétique de ce roman (son analyse est au ch.3, p.160-65).

Ainsi il est possible de mieux cerner le profil d’écrivain-lecteur de Rousseau et ses méthodes de travail quand sa plume ou son crayon court non plus sur une feuille vierge mais sur la page imprimée d’un livre ouvert. La connaissance de ses usages de la bibliothèque donne maintenant une nouvelle dimension à celle de ses pratiques de créateur.

– Nathalie Ferrand

Sur les traces de Voltaire à la bibliothèque de l’Arsenal

Seconde partie

Lisez la première partie de ce blog

Repères pour l’identification des provenances

L’identification systématique des provenances des œuvres de Voltaire dans la collection de Paulmy reste à mener à bien. Nous mentionnerons les plus facilement reconnaissables.

Dos des ouvrages en reliure courante de la bibliothèque du comte d’Argenson (Ars. Réserve 8-H-2243 [1]).

Pour reconstituer la bibliothèque voltairienne du comte d’Argenson, il faut repérer les volumes recouverts de veau brun moucheté, dont le dos, orné aux entre-nerfs de fleurettes en pointillé (ou de fleurons plus étroits pour les pièces avec un dos long) et d’un fer armorié en pied,[1] porte des pièces de titre et de tomaison rouges.

À défaut d’une liste complète, voici quelques exemples qui viennent en complément des exemplaires truffés déjà cités, tous reliés à l’identique:

•       8-BL-13067: Œdipe, Paris, veuve Ribou, 1730

•       8-BL-13070: Hérode et Mariamne, Paris, veuve Ribou, 1730

•       8-BL-34139: Zadig, [Paris, Laurent-François I Prault; Nancy, Antoine Leseure,] 1748

•       8-H-7369: Le Siècle de Louis XIV, Metz, Bouchard le Jeune, 1753

•       8-H-2304 (1-2): Histoire de la guerre de mil sept cent quarante-et-un, Amsterdam [i. e. Paris], s. n., 1755

•       8-BL-34150: Candide, Genève, Cramer, 1759

•       8-BL-13092: Tancrède, Paris, L.-F. Prault, 1761

Armes de la marquise de Voyer.

La bibliothèque du comte d’Argenson n’est pas la seule source familiale de la collection de Paulmy. On trouve par exemple sous la cote Ars. 8-BL-34055, un exemplaire composite des œuvres en 57 volumes reliés uniformément de veau écaille: ils portent, collé au contreplat de chaque volume, l’ex-libris armorié gravé de Marie-Jeanne-Constance de Mailly d’Haucourt, marquise de Voyer (1734-1783), l’épouse du marquis de Voyer, cousin de Paulmy. L’exemplaire est probablement entré après la mort Mme de Voyer dans la bibliothèque du marquis qui avait pris en charge quelque temps son jeune cousin devenu orphelin.

Les exemplaires passés par la collection du duc de La Vallière avant d’arriver dans celle du marquis de Paulmy sont facilement identifiables: ils ont reçu au bas du feuillet en regard de la page de titre la mention ‘Catalogue de Nyon’ (du nom du libraire qui rédigea le catalogue de la vente) suivi de leur numéro de lot. Outre le manuscrit de Candide évoqué plus haut, on signalera le Tancrède sur papier de Hollande de la marquise de Pompadour, dédicataire de la pièce, somptueusement relié à ses armes. Il figurait au catalogue de sa vente en 1765, et se trouve décrit à celui de la dernière vente La Vallière, dont Paulmy a fait l’acquisition en 1786.

Reliure et référence du catalogue de la vente La Vallière de Tancrède, 1761 (Ars. Réserve 8-BL-13093).

Au fil des explorations en magasin, on relève d’autres marques sur des exemplaires entrés à l’Arsenal après la mort de Paulmy, avec la bibliothèque du comte d’Artois (on trouve ses armes au dos d’un exemplaire de l’édition de Kehl [Ars. 4-BL-5308]), ou à la faveur des confiscations révolutionnaires. Citons à titre d’exemple le monogramme ‘DLZ’ entouré d’une branche d’olivier, dont le possesseur reste à identifier: on le remarque au dos d’un exemplaire composite des Œuvres en 19 volumes (Ars. 8-BL-34054) ainsi que sur un exemplaire sans doute isolé à tort du Siècle de Louis XIV (Genève, 1771), (Ars. 8-H-7373).

Les commentaires du marquis de Paulmy
Détail du monogramme DLZ au dos de Ars. 8-BL-34054.

Il semblerait enfin intéressant d’étudier de plus près l’appréciation que le marquis de Paulmy lui-même portait sur l’œuvre de Voltaire. Nous avons déjà évoqué le manuscrit de l’Histoire de la guerre dernière (Ars. Ms-4773) auquel a été ajouté un petit cahier de commentaires du marquis. En dehors des ouvrages eux-mêmes sur lesquels Paulmy n’hésitait pas à rédiger une note bibliographique ou critique, nous disposons également du catalogue manuscrit de sa bibliothèque. Voici ce qu’on peut lire de la main de Paulmy en tête de l’Histoire de Charles XII, 1731 (Ars. 8-H-16823):

‘Quoique cet ouvrage soit compris dans les œuvres de Voltaire il est bon cependant de le conserver parmi les histoires de Suède.

‘On a dit très bien que Voltaire était le Quinte Curce de l’Alexandre du Nord, même élégance de style, même art d’attacher son lecteur, même air de roman, même suspicion bien fondée de bévues et d’erreurs, et le parallèle ne manque de justesse qu’en ce que tout bien considéré, Charles 12 ne vaut pas Alexandre, ni Quinte Curce Voltaire.’

Note autographe du marquis de Paulmy sur Histoire de Charles XII, 1731 (Ars. 8-H-16823). Provenance comte d’Argenson d’après la reliure (la marque du catalogue de Nyon a été apposée par erreur sur cet exemplaire).

Plus ou moins détaillées, elles peuvent aussi simplement renvoyer au catalogue de la bibliothèque du marquis. Inversement, il arrive que Paulmy renvoie son lecteur de son catalogue vers le volume lui-même pour prendre connaissance de son commentaire. En regard de la notice de La Ligue, ou Henri Le Grand, 1724, référencée au Catalogue des belles-lettres, section ‘Poètes françois commençant à Voltaire continuant jusqu’à présent’ sous la cote ‘1998’ (Ars. Ms-6287, f. 391), Paulmy a fait noter par son secrétaire: ‘Premières éditions de l’Henriade: voyez ma note sur le volume’. On identifie sans ambiguïté dans les collections de l’Arsenal l’exemplaire grâce au numéro ‘1998’ porté à l’encre sur la garde (Ars. 8-BL-34078). Voici le texte de la note:

‘Si ce n’est pas tout à fait icy la 1ere edition de la Henriade, c’est au moins la 1ère complette. Le poëme s’est bien perfectionné depuis par les variantes mêmes de l’auteur. On sait que Voltaire commença ce Poëme en 1717 [corrigé à l’encre noire en 1713] etant à la Bastille. L’auteur de la Bib. Janseniste cite une édon de 1713 dont il cite quelques vers qui se trouvent également dans celle-cy et même dans les suivantes. Si les sentimens de Voltaire ont parus suspects il y a 50 ans, les accusations sont bien augmentées depuis ce temps.’

Un peu plus bas, sous le numéro ‘2001’, est répertoriée l’édition parisienne de 1770: ‘La Henriade (de M. de Voltaire) nouvelle édition. Paris, v.ve Duchesne, Saillant, Nyon, 1770, 2 vol. in 8°. V. écaille. Fig. d’Eisen’ avec ce commentaire:

‘Cette édition est véritablement plus complète qu’aucune des précédentes. Outre quelques vers d’augmentation + les variantes, les notes et les estampes y ajoutent un très grand mérite. C’est M. de Marmontel qui en a été l’éditeur. Le poème de la Henriade est entièrement contenu dans le 1er vol. Le 2d contient grand nombre de dissertations, l’Essay sur la poésie épiq. Le Temple du goût, le Poëme de Fontenoy, le Desastre de Lisbonne et l’Essay sur la loy naturelle.’

Le relevé de ces notes pour l’ensemble des œuvres de Voltaire (pour autant que le volume du catalogue manuscrit correspondant ait été conservé) serait un petit chantier sans doute instructif à mener.

Conclusion
Détail d’un médaillon de la corniche en plâtre peint de l’actuel ‘Petit salon’ de la bibliothèque de l’Arsenal, qui était au xixe siècle une salle de lecture.

Les œuvres de Voltaire imprimées de son vivant et conservées sur les rayonnages de la bibliothèque de l’Arsenal représentent près de 800 notices au Catalogue général de la BnF. En 2005, à la faveur de la conversion rétrospective des anciens catalogues manuscrits de l’Arsenal, elles sont venues se fondre ou s’ajouter à celles, également informatisées, décrites aux deux tomes mythiques du Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale: Auteurs, des œuvres de Voltaire, publiés en 1978 sous la direction de Marie-Laure Chastang et Hélène Frémont. Sans rivaliser en nombre avec les collections voltairiennes des autres départements de la BnF, (notamment celles Georges Bengesco et d’Adrien Beuchot conservées à la Réserve des livres rares), la collection de l’Arsenal n’en reste pas moins remarquable par la diversité et la singularité des sources qui l’ont alimentée. Par certains de ses exemplaires enrichis, mais aussi par les divers indices qu’elle donne à déchiffrer de la réception, par les lecteurs de son temps, des livres de l’écrivain le plus édité du xviiie siècle, elle se présente comme un ensemble particulièrement stimulant dont l’exploration reste à poursuivre.

– Nadine Férey-Pfalzgraf, Conservatrice du fonds ancien de la Bibliothèque de l’Arsenal (BnF)

Lisez la première partie de ce blog


[1] Fer n° 8c dans la liste des fers recensés par Martine Lefèvre: ‘D’azur à deux léopards d’or : reliures exécutées pour la famille d’Argenson au XVIIIe siècle’, Revue de la Bibliothèque nationale de France, 12, 2002, p. 56–63.

Sur les traces de Voltaire à la bibliothèque de l’Arsenal

Première partie

La Bibliothèque de l’Arsenal est depuis 1934 rattachée à la Bibliothèque nationale de France, dont elle est aujourd’hui l’un des départements au centre de Paris.  Le cœur de ses collections anciennes est constitué de la bibliothèque d’Antoine-René de Voyer d’Argenson, marquis de Paulmy (1722-1787), installée dans l’hôtel du grand-maître de l’artillerie depuis 1757 et qu’elle n’a plus quitté depuis.

La bibliothèque de l’Arsenal, Paris. Photo: Vincent Desjardins.

Fils de René-Louis de Voyer, deuxième marquis d’Argenson (1694-1757), ministre des affaires étrangères de 1744 à 1747, Paulmy est aussi le neveu de Marc-Pierre de Voyer, comte d’Argenson (1696-1764), qui exerça les  fonctions de lieutenant général de police de Paris (en 1720 puis de 1722 à 1724) et de secrétaire d’Etat à la guerre (de 1743 à 1757). Proche de son oncle, qu’il seconda puis remplaça brièvement après sa disgrâce, le marquis de Paulmy poursuivit quelques années une carrière d’ambassadeur qu’il abandonna définitivement en 1768 pour consacrer l’essentiel de son temps et de sa fortune à enrichir sa bibliothèque, ainsi qu’à des travaux bibliographiques et littéraires.[1]

Les longues relations de Voltaire avec la famille d’Argenson ont permis que se retrouvent à l’Arsenal quelques documents importants le concernant. S’ils sont loin d’être inconnus des spécialistes de Voltaire qui les ont signalés dans les éditions des Œuvres complètes ou dans différents travaux, il n’est pas inintéressant de les présenter en tant qu’ensemble, si l’on peut employer ce terme pour des documents d’origines aussi diverses.

Voltaire et la famille d’Argenson

Les plus anciens documents concernant Voltaire conservés par la bibliothèque de l’Arsenal figurent dans les Archives de la Bastille, confiées à la bibliothèque peu après la démolition de la prison en 1789. On y trouve le dossier de prisonnier du jeune Arouet, détenu à la Bastille de mai 1717 à avril 1718 pour des vers injurieux envers le Régent, comprenant son interrogatoire (Ms-10633 fols 455r et suiv.), signé du lieutenant général de police Marc-René de Voyer de Paulmy, premier marquis d’Argenson (1652-1721), grand-père du marquis de Paulmy et une lettre (Ms-10633 fol. 460) de son amie de Hollande, Olympe Dunoyer (D14), qu’il devait porter sur lui au moment de son arrestation. Comme un clin d’œil de l’histoire, ces témoins  de la jeunesse de Voltaire voisinent aujourd’hui avec ses œuvres, réunies dans la collection du marquis de Paulmy, petit-fils du marquis d’Argenson.

Salle de lecture de la bibliothèque de l’Arsenal, Paris.

S’il ne semble pas que Voltaire et Paulmy aient entretenu une véritable correspondance, on sait cependant qu’ils se sont rencontrés pendant l’été 1755.[2] Il arrive aussi que Voltaire évoque Paulmy auprès de ses correspondants, leur demandant de le saluer de sa part, ou prenant de ses nouvelles par l’intermédiaire de son voisin à l’Arsenal, Nicolas Claude Thieriot.[3]

Les liens de Voltaire sont plus documentés avec les frères d’Argenson, qui sont de la même génération que lui. Avant de croiser leur père, le lieutenant général de police, à la Bastille, Voltaire fut en effet leur condisciple au collège Louis-le-Grand. Les relations amicales et plus ou moins intéressées de Voltaire avec ‘la Bête’ et ‘la Chèvre’[4] ont fait l’objet de plusieurs études auxquelles on pourra se reporter.[5] Elles expliquent en partie la présence dans la collection de l’Arsenal de quelques pièces significatives ayant trait à Voltaire et à son œuvre: des manuscrits, mais  aussi des ouvrages imprimés portant des corrections manuscrites, auxquels ont parfois été jointes les lettres de l’écrivain qui accompagnaient l’envoi du volume.

L’œuvre de Voltaire à l’Arsenal: exemplaires remarquables

Manuscrits

Ms-2755: Supplément aux œuvres de théâtrede M. de Voltaire (Samson, Eriphile, Adélaïde du Guesclin, Les Frères ennemis)

Relié aux armes du marquis d’Argenson. C’est à ces copies que le marquis d’Argenson se réfère dans ses Notices sur les œuvres de théâtre (Ms-3448 à 3455)[6] pour rendre compte de pièces de Voltaire qui n’avaient pas encore été imprimées à l’époque. Le recueil est également signalé avec sa provenance par le marquis de Paulmy dans le catalogue de sa bibliothèque (Ms-6287, fol. 391).

Ms-4773: Histoire de la guerre dernière, 1752:[7] ce manuscrit, œuvre de Voltaire historiographe du Roi, fut envoyé au comte d’Argenson, ministre de la guerre. Les remarques du marquis de Paulmy ont été reliées en tête du manuscrit. Le texte en fut publié à Paris sans l’assentiment de Voltaire en 1755 à partir d’une autre copie, et l’édition fut tout d’abord interdite par le directeur de la Librairie.

Candide ou l’optismime [sic], Plat supérieur, premier feuillet, référence au catalogue de la vente La Vallière de 1784 (Ars. Ms-3160).

Ms-3160: Candide ou l’optismime [sic]: la bibliothèque de l’Arsenal conserve la seule version manuscrite complète du conte, de la main de Wagnière, avec des annotations de Voltaire, mais c’est au duc de La Vallière et non aux d’Argenson que Voltaire fit parvenir ces feuillets, quelques mois avant de donner son conte à imprimer à Cramer en 1759.Sa reliure modeste et le peu d’intérêt qu’on portait à l’époque aux manuscrits d’auteurs explique sans doute qu’il n’ait pas été retenu par le libraire Guillaume Debure pour figurer au catalogue de la première partie de la vente posthume de la collection du duc en 1783. Aussi est-il passé dans celle du marquis de Paulmy, lorsqu’il fit l’acquisition en bloc en 1786 de la dernière partie de la bibliothèque de La Vallière. Pourtant décrit au catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal dès 1887, ce manuscrit n’a véritablement été étudié par les spécialistes de Voltaire qu’à partir de 1957.[8]

Enfin, un lot important de 500 lettres de Voltaire à divers correspondants est venu enrichir la collection au XIXe siècle. (Ms-7567-7571),[9] suivi de plusieurs lettres de Grimm à Wagnière au sujet de la  vente de la bibliothèque de Voltaire (Ms-9312),[10] preuve de la considération que les bibliothécaires de l’époque accordaient au lien de l’Arsenal avec Voltaire. 

Ouvrages imprimés

Le premier volume gardant trace d’un envoi de Voltaire au comte d’Argenson est un exemplaire des Elémens de la philosophie de Newton, 1738 (Réserve 8-S-6556). Le volume a probablement été envoyé relié.

On identifie d’autres ouvrages envoyés par Voltaire grâce aux corrections qu’ils comportent:

Ex-libris gravé du marquis d’Argenson, ex-dono et feuillet corrigé dans son exemplaire des Œ38, t. 1-4 (Ars. Réserve 8-BL-34043).

 4 volumes de l’édition Ledet / Desbordes, 1738-1739 (Œ38), sur grand papier, envoyés au marquis d’Argenson (Ars. Réserve 8-BL-34043 [1-4]); le premier tome  porte un ‘ex-dono authoris’ et est enrichi d’une lettre de Voltaire au marquis d’Argenson (Bruxelles, 21 mai 1740. D2210): ‘Les fautes des éditeurs se trouvoient en fort grand nombre avec les miennes. J’ay corrigé tout ce que j’ai pû…’

Un autre exemplaire de cette édition, également corrigé, fut envoyé au duc de La Vallière (Ars. Réserve 8-BL-34042): il est entré dans la collection de Paulmy par l’achat en bloc de 1786 déjà évoqué. Le décor de sa reliure ne ressemble pas à ceux que le duc faisait réaliser pour sa bibliothèque; il a probablement reçu l’exemplaire déjà relié. Les corrections qu’il porte ne sont guère différentes de celles qui figurent sur les volumes du marquis d’Argenson, au point qu’on a parfois confondu les deux exemplaires.

Un troisième exemplaire de cette même édition (Ars. 8-BL-34041), lui aussi sur grand papier, est sans correction, si ce n’est que la table de l’Essai sur la poésie épique est barrée et accompagnée de cette remarque manuscrite: ‘Fautive d’un bout à l’autre, mais on peut s’en passer’. Il est relié en maroquin citron et porte les armes de la famille d’Argenson au dos. Sans doute l’exemplaire a-t-il appartenu au comte d’Argenson, sans avoir été envoyé par l’auteur.   

Premier des 14 feuillets insérés dans l’exemplaire des Œ40, t. 4, (Ars. 8-BL-34045 [4]).

Terminons ce petit panorama des éditions des Œuvres en signalant l’exemplaire (Ars. 8-BL-34045 [1-4]) (édition d’Amsterdam [Rouen], 1740  ou Œ40), relié de maroquin rouge et portant au dos les armes du comte d’Argenson, qui ne semble pas, jusqu’ici, avoir retenu l’attention. Il contient, comme les exemplaires de La Vallière et du marquis d’Argenson, de nombreuses corrections, mais surtout, il est enrichi, au tome IV, de 14 feuillets manuscrits insérés entre les pages 136 et 137, qui comprennent quatre textes imprimés postérieurement: Sur l’histoire (texte pour lequel OCV 28B ne cite aucun manuscrit), Sur les contradictions du monde (plus complet que BnF Ms NAF 2778, fols 199-200, cité par OCV 28B), Du déisme, et Du fanatisme.

A côté de ces exemplaires corrigés, la collection de Paulmy se distingue par quelques éditions d’œuvres isolées de Voltaire, qui ont appartenu au comte d’Argenson et auxquelles sont joints des lettres du philosophe, ou des commentaires de personnalités proches du ministre. Le tableau ci-dessous permet de les présenter synthétiquement.

Tableau contenant éditions d’œuvres isolées de Voltaire qui ont appartenu au comte d’Argenson.

Les envois de Voltaire au comte d’Argenson semblent cesser en 1756, leur correspondance en 1757:[11] cette même année, le comte tombe en disgrâce et est exilé au château des Ormes, où il meurt en 1764. Aléas de la conservation? À moins qu’il ne faille en déduire que Voltaire n’a entretenu ses relations avec le comte que tant qu’il pouvait lui être utile à la Cour?

Nadine Férey-Pfalzgraf, Conservatrice du fonds ancien de la Bibliothèque de l’Arsenal (BnF)

Lettre de Voltaire au comte d’Argenson (D6827) reliée dans les Poèmes sur la religion naturelle et sur la destruction de Lisbonne, 1756. (Ars. Réserve 8-BL-34107).

La seconde partie de ce blog sera mise en ligne le jeudi prochain (01/09/2022).


[1] Pour une présentation plus détaillée du bibliophile et de sa bibliothèque, voir Martine Lefèvre, ‘La bibliothèque du marquis de Paulmy’, in Histoire des bibliothèques françaises, 2. Les Bibliothèques sous l’Ancien Régime (1530-1789), Paris, Promodis – Ed. du Cercle de la librairie, 1988, pp. 303‑315 et Eve Netchine, ‘Le marquis de Paulmy et la construction d’une bibliothèque comme œuvre’, in La famille d’Argenson et les arts, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 855.

[2] Lettre de Voltaire à Jean Robert Tronchin, 12 juillet 1755 (D6337).

[3] D8634 par exemple.

[4] Lettre de Voltaire à M. de Cideville, 9 février 1757 (D7152).

[5] Voir notamment:

– Didier Masseau, ‘Argenson, Marc-Pierre de Voyer, comte d’’ et ‘Argenson, René-Louis de Voyer, marquis d’’ in Inventaire Voltaire, Paris: Gallimard (coll. ‘Quarto’), 1995, pp. 88-89.

– Yves Combeau, Le comte d’Argenson (1696-1764): ministre de Louis XV, Paris, Ecole des chartes (coll. ‘Mémoires et documents de l’École des chartes’, ISSN 1158-6060; 55), 1999, pp. 10-11.

– Andrew Jainchill, ‘An unpublished letter from the marquis d’Argenson to Voltaire (1 May 1739, D1998a)’, Revue Voltaire, XIV, 2014, pp. 199‑213, qui donne la liste des 103 lettres échangées entre Voltaire et le marquis.

– Jean-Denis d’Argenson, ‘Voltaire et les frères d’Argenson’, in: Journées d’histoire du château des Ormes, 2017, pp. 21‑52.

[6] René-Louis de Voyer marquis d’Argenson, Notices sur les œuvres de théâtre, publ. par H. Lagrave, Genève: Institut et musée Voltaire les Délices (coll. « Studies on Voltaire and the eighteenth century », 42-43), 1966. 2 vol.

[7] Le manuscrit fut édité par Jacques Maurens, chez Garnier en 1971 puis dans les OCV 29C, 2020.

[8] Ira O. Wade, ‘A manuscript of Voltaire’s Candide’, Proceedings of the American Philosophical Society, 101, 1, 1957, pp. 93-106.

[9] Ce lot semble avoir été acquis à la vente de la collection d’autographes d’A.-P. Dubrunfaut de 1884.

[10] Publiées dans Jean-Louis Wagnière ou Les deux morts de Voltaire, présentation et notes de Christophe Paillard; préface de Michel Delon, Saint-Malo: Éd. Cristel, 2005.

[11] La dernière lettre conservée du comte d’Argenson à Voltaire (6 janvier 1757) relate l’attentat de Damiens (D7114).

How to tell a king he writes bad verse

Frederick II

The only portrait Frederick ever personally sat for (by Ziesenis, 1763).

In 1750, Voltaire travelled to the court of the Prussian king, Frederick II. There, one of his official duties would be to correct the king’s writings in French, in particular his poetry: to ‘bleach his dirty linen’, as Voltaire would later write in his epistolary half-fiction, Paméla, never published in his lifetime. However, at the outset, very willing, Voltaire wrote to the king around August of that year:

‘Si vous aimez des critiques libres, si vous souffrez des éloges sincères, si vous voulez perfectionner un ouvrage que vous seul dans l’Europe êtes capable de faire, votre majesté n’a qu’à ordonner à un solitaire de monter.
Ce solitaire est aux ordres de votre majesté pour toutte sa vie.’

The French poet knew how to be tactful, and though he sent back pages of corrections, he balanced them with flattery. Referring to Frederick’s Art de la guerre, he wrote the following summer: ‘Tout l’ouvrage est digne de vous, et quand je n’aurais fait le voyage que pour voir quelque chose d’aussi singulier, je ne devrais pas regretter ma patrie’. The corrected manuscript of l’Art de la guerre still exists and can be seen in Berlin at the Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz. Unfortunately, the heavily marked up volumes of the king’s Poésies have disappeared, following the Allied bombing of the Monbijou Palace in Berlin during the Second World War. The latest volume of the Œuvres complètes de Voltaire attempts to reconstruct those corrections, however, as part of its complement to the Russian-led publication of Voltaire’s marginalia, the Corpus des notes marginales, a final volume that assembles the known marginal notes housed outside the main collection of the writer’s library in the National Library of Russia in St Petersburg.

This volume, Notes et écrits marginaux conservés hors de la Bibliothèque nationale de Russie (OCV, vol.145), brings together a motley collection of such documents. Some, such as Frederick’s poetry, were intended for use by friends and were never part of Voltaire’s own collection. Another such case is that of the annotated copy of a work by Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (also discussed by Sam Bailey), or the manuscript on the rights of French Protestants to marry by the future statesman Joseph-Marie Portalis. Other books, such as a volume of Rousseau’s Emile, or a volume of Le Vrai Sens du système de la nature, by pseudo-Helvétius, seem to have been distributed as gifts by Voltaire, and the notes within give hints of having been conceived for that very purpose. Others still may in fact have parted ways with Voltaire’s personal collection, either before it left France, or in Russia (two works, the first Fénelon’s Œuvres philosophiques, and the second an Essai général de tactique by Jacques-Antoine-Hippolyte, comte de Guibert, were borrowed from the Hermitage library by Tsar Alexander I, and never returned).

But the largest component of the lot remains Voltaire’s corrections and comments on Frederick’s poetry. Given the absence of the original volumes, it is gratifying to see how much it has been possible to reconstruct. Of the two printed volumes from 1750, a copy with notes turned up in Belgium in 1979 thanks to the Voltaire Foundation’s longstanding contributor Jeroom Vercruysse. It turned out to be very literally a copy, that is, a painstaking piece of work in which Voltaire’s corrections, including those to his own comments, were reproduced by hand. While they have every characteristic of Voltaire’s style, there might have been doubts about the authenticity of the notes, had a German scholar, Hans Droysen, not published a couple of photographs in 1904 that exactly match the text and layout of the Belgium copy.

Œuvres du philosophe de Sans-Souci, vol.3 (1750), p.250, with corrections in the hands of Voltaire and Frederick II (reproduced by Hans Droysen, ‘Friedrichs des Großen Druckerei im Berliner Schlosse’, Hohenzollern Jahrbuch 8, 1904, p.84).

Excitingly, one photograph shows a page with writing by both Voltaire and Frederick, thanks to which it was possible to tell which of the hand-copied notes were by which man, since the copyist went to the extreme of doing a passable imitation of the handwriting of each. But what of the second volume? In this case, another German scholar, Reinhold Koser, had published, two years after Droysen, a large number of Voltaire’s notes, though frustratingly in a thematic order of his own devising, and with precious little context for some of the comments. Thanks to a considerable team effort and a lot of patience (and special thanks go to my colleague Martin Smith), it was possible to identify the location of most of Voltaire’s corrections and remarks (sometimes relying on discussion of rhymes to pinpoint particular verses). Only a few notes remain unattached to a specific place in Frederick’s text.

We learn a lot about the minutiae of what was and was not admissible in eighteenth-century versification, but Voltaire makes other stylistic comments and, as ever, he strives for wit and elegance. For example, he marks four instances of the word ‘plat’ within the space of two pages, numbers them, and next to the fourth, notes: ‘voila plus de plats icy que dans un bon souper’.

Frederick’s verse includes pieces that were written in an epistolary context addressed to Voltaire himself, and some of the latter’s notes provide glimpses into his own literary past. In the margin of a reference to his play Sémiramis, he writes ‘je ne hazarday cet ouvrage que pour feu madame la Dauphine qui m’avoit demandé une trajedie a machines.’ Who knew that the thunderclaps, opening tomb and ghost in that tragedy were of royal inspiration?

Voltaire eventually tired of this work (and who can blame him?) and for this and other reasons, attempted to leave Prussia. He was stopped and searched in Frankfurt and kept under arrest for some days by an envoy of the king, since the latter wanted to keep strict control over the copies of his book, and would not countenance Voltaire leaving the country with a copy. But that is a whole other story…

– Gillian Pink

Apprivoiser ses livres: Voltaire ‘marginaliste’

Les marginalia sont un phénomène auquel on s’intéresse de plus en plus, comme l’illustre par exemple le répertoire Annotated Books Online. Paradoxalement, à une époque où il est souvent mal vu d’écrire dans ses livres, d’en corner les pages, ou de les déchirer, les historiens du livre étudient les traces de lecture anciennes et montrent que défigurer un livre peut lui donner du prix, comme le reconnaît Andrew D. Scrimgeour, responsable des bibliothèques à Drew University au New Jersey. Les auteurs J. J. Abrams et Doug Dorst, pour leur part, ont trouvé dans la pratique des notes marginales une structure et un thème propices pour un roman.

Jean Racine, Œuvres, t.2, p.423. Bibliothèque nationale de Russie.

Jean Racine, Œuvres, Paris, 1736, t.2, p.423. Bibliothèque nationale de Russie.

‘Je voudrais bien savoir quel est l’imbecille […] qui a défiguré par tant de croix et qui a cru rempli de fautes le plus bel ouvrage de notre langue’: c’est ainsi que Voltaire réagit en marge aux traces qu’un autre a laissé dans son exemplaire des Œuvres de Racine. Mais dès qu’il devient lecteur à son tour, tout est possible. Sur une période de plus de cinquante ans, Voltaire a écrit dans les livres qui passaient entre ses mains: c’est le sujet de ma monographie, Voltaire à l’ouvrage, tout récemment parue. En tant qu’auteur célèbre, il a compris que ces traces avaient de la valeur et il lui arrivait d’offrir des exemplaires annotés à d’illustres connaissances et à des personnes de son entourage. Il a peut-être même pressenti qu’on allait s’intéresser à sa bibliothèque après sa mort, car certains commentaires marginaux semblent attendre un lecteur futur: ‘tout cela est de moy / jecrivis cette lettre’, note-t-il à côté d’un texte que Jean-François, baron de Spon cite comme ayant été présenté aux Etats-Généraux de Hollande en octobre 1745 – une espèce de ‘j’y étais!’ laissé pour la postérité.

Jean François, baron de Spon,Mémoires pour servir à l’histoire de l’Europe, depuis 1740 jusqu’à la paix générale signée à Aix-la-Chapelle, t.3, p.51. Bibliothèque nationale de Russie.

Jean François, baron de Spon, Mémoires pour servir à l’histoire de l’Europe, depuis 1740 jusqu’à la paix générale signée à Aix-la-Chapelle, Amsterdam, 1749, t.3, p.51. Bibliothèque nationale de Russie.

Tous les marginalia de Voltaire contenus dans les livres de sa bibliothèque personnelle sont désormais disponibles: le neuvième tome du Corpus des notes marginales vient de paraître. Cette publication clôt le premier volet du projet commencé pendant les années 1960 à la Bibliothèque nationale de Russie. (Un dixième tome fournira les traces de lecture de Voltaire qu’on connaît en dehors de sa bibliothèque.) Le Corpus, dont la publication a été reprise dans les Œuvres complètes de Voltaire sous la direction de Natalia Elaguina à partir des années 2000, donne à chacun la possibilité de se plonger dans l’univers des lectures de Voltaire, monde à moitié imprimé, à moitié manuscrit, et constitue un outil formidable pour redécouvrir cet auteur pourtant déjà si connu.

Les traces de lecture de Voltaire permettent de traquer les origines de ses propres textes, grâce aux signets, aux soulignements et aux réactions en marge qui marquent des passages qu’il cite, qu’il conteste ou qu’il transforme dans ses écrits. Les notes comprennent des réactions ludiques et polémiques qui désorganisent parfois la lecture de l’imprimé, tels ses ajouts manuscrits à la page de titre des Erreurs de Voltaire de Claude-François Nonnotte, et des corrections qu’il a faites pour des amis (à paraître dans le tome 10 du Corpus).

Claude-François Nonnotte, Les Erreurs de Voltaire. Bibliothèque nationale de Russie.

Claude-François Nonnotte, Les Erreurs de Voltaire. Bibliothèque nationale de Russie.

Les rapports que Voltaire entretient avec ses livres sont fortement ancrés dans la matérialité de l’objet. Ainsi, il introduit des plis, des entailles dans le papier, il exploite adroitement les différents espaces blancs à sa disposition, il démembre des volumes, les refait à sa manière, il utilise encres, crayon de plomb, sanguine, et crayons de couleurs pour laisser ses traces sur la page. Voltaire aurait apprécié les fonctions de recherche et de repérage offertes par le Kindle, les fichiers pdf et autres manifestations du numérique. Ces technologies permettent de joindre des annotations au texte, mais n’accordent pas les mêmes possibilités d’un corps à corps qui caractérise la lecture telle qu’il l’a pratiquée. Dans Voltaire à l’ouvrage, je me penche également sur les lectures faites dans différentes langues, et sur le style et la poétique des annotations marginales. C’était l’occasion aussi de comparer les marginalia de cet auteur à ceux d’autres lecteurs de l’époque, ce qui fournit un contexte et permet de mesurer l’originalité, ou non, des pratiques voltairiennes.

Gillian Pink

Quand Voltaire lisait Vauvenargues: conseils prodigués à un ami

Vauvenargues1

Sculpture de Vauvenargues par Henri Pontier (1842-1926) en 1881 (Aix, Musée Granet; photo: Ch. Heirieis).

Voltaire est connu pour avoir annoté une grande partie des livres de sa bibliothèque personnelle, et la Voltaire Foundation édite, en collaboration avec nos collègues à la Bibliothèque nationale de Saint-Pétersbourg, la transcription complète des annotations. Certains volumes avec notes marginales, échappés de la bibliothèque de l’écrivain, ou offerts par lui à des amis, sont cependant conservés dans d’autres lieux. Tel est le cas d’un exemplaire de l’Introduction à la connaissance de l’esprit humain (1746), de Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, conservé à la Bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence, patrie de l’auteur. Il a été question de ce volume à une conférence lors des Journées du Patrimoine 2015, le samedi 19 septembre, à la Méjanes, pour fêter le tricentenaire de la naissance de Vauvenargues. A notre connaissance, c’est le seul volume annoté avec l’intention expresse de rendre l’objet corrigé et commenté à l’auteur afin qu’il puisse en faire une seconde édition. Vers le mois de février 1746, Voltaire a reçu son exemplaire de l’ouvrage que son ami venait de publier: J’ai passé plusieurs fois chez vous pour vous remercier d’avoir donné au public des pensées au-dessus de lui. […] Je n’ai lu encore que les deux tiers de votre livre. Je vais dévorer la troisième partie. [1] La lettre envoyée quelques mois plus tard montre qu’il a été convenu que Voltaire proposerait des corrections et des suggestions en vue d’une seconde édition: J’ai crayonné un des meilleurs livres que nous ayons en notre langue, après l’avoir relu avec un extrême recueillement. J’y ai admiré de nouveau cette belle âme si sublime, si éloquente et si vraie, cette foule d’idées neuves, ou rendues d’une manière si hardie, si précise, ces coups de pinceau si fiers et si tendres. Il ne tient qu’à vous de séparer cette profusion de diamants de quelques pierres fausses, ou enchâssées d’une manière étrangère à notre langue. Il faut que ce livre soit excellent d’un bout à l’autre. Je vous conjure de faire cet honneur à notre nation et à vous même, et de rendre ce service à l’esprit humain. Je me garde bien d’insister sur mes critiques. Je les soumets à votre raison, à votre goût et j’exclus l’amour propre de notre tribunal. [2] L’objet ‘crayonné’ demeure, et les traces au crayon et à l’encre laissent deviner par moments la chronologie de l’annotation. Les rares notes au crayon de plomb, à peine lisibles aujourd’hui, proviennent vraisemblablement de la première lecture, avant que Voltaire ne se décide à remettre l’exemplaire annoté à l’auteur. Parmi elles, quelques-unes sont apparemment inachevées et sibyllines, mais parfaitement compréhensible celle où Voltaire s’exclame ‘comment a-t-on pu faire si bien étant si jeune!’. Vauvenargues avait en effet trente ans au moment de la publication de son ouvrage (il meurt l’année suivante).

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.156.

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.156 (Bibliothèque Méjanes).

D’autres éléments matériels montrent qu’il y a bel et bien plusieurs strates d’annotation: la couleur des encres et la taille des caractères sont la preuve qu’après une première lecture (au cours de laquelle il note, à propos d’une déclaration du cardinal de Retz, ‘exemple qui ne prouve pas qu’il faut risquer des fautes’), Voltaire nuance sa pensée (en précisant, à l’aide d’une encre plus foncée: ‘mais qu’il faut se faire valoir’; voir l’illustration ci-contre). Voltaire disait vrai quand il écrivait à l’auteur ‘j’exclus l’amour-propre de notre tribunal’. On y trouve des louanges, certes (de nombreux ‘bien’ et ‘beau’, un ‘admirable’…), mais le but de l’opération était de permettre à Vauvenargues de faire une nouvelle édition revue et corrigée de son texte. Aussi trouve-t-on des commentaires moins flatteurs: ‘mauvaise expression et fausse idée’, ‘chapitre plein d’idées trop communes’, ‘manque de logique’, ‘louche’, ‘trivial’. Plus on avance dans le livre, plus les annotations sont brèves, et on voit Voltaire élaborer un système d’abréviations: ‘b’ pour ‘bien’ (de temps en temps un ‘tb’), ‘m’ pour ‘mal’ ou ‘mauvais’, ‘obs’ pour ‘obscur’, ‘triv’ pour ‘trivial’. On trouve même le laconique ‘2 et 2 font 4’ pour désigner des évidences, abrégé plus loin en ‘2 et 2’.

Abréviations de Voltaire, ‘2 et 2’, ‘m’ (Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.360).

Abréviations de Voltaire, ‘2 et 2’, ‘m’ dans l’Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.360 (Bibliothèque Méjanes).

L’exemplaire aixois ne comporte pas uniquement des traces de la main de Voltaire. Une fois en possession du volume annoté, Vauvenargues le parcourut lui-même en rajoutant quelques corrections, et surtout en supprimant des phrases, voire des paragraphes entiers. Ainsi, sur l’illustration ci-contre, le ‘nous’ manuscrit qui apparaît dans l’interligne de la réflexion XXVII est de la main de Vauvenargues, et le trait vertical qui barre les trois réflexions XXV-XXVII est de lui également. Une nouvelle édition paraît en 1747, où l’on constate que les suppressions effectuées sur la première édition ont bien été prises en compte dans la seconde.

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.47.

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.47 (Bibliothèque Méjanes).

Souvent (mais pas toujours!) les corrections proposées par Voltaire ont été intégrées au texte de la seconde édition. Par exemple, la note marginale ci-contre suggère de tourner la phrase autrement: ‘la joie est un sentiment plus pénétrant’, et la seconde édition reproduit exactement la tournure proposée par Voltaire. Mais ailleurs Vauvenargues réécrit son texte à sa façon, ou bien prend le parti de le réimprimer tel quel. En marge de ce ‘Conseil à un jeune homme’, Voltaire demande ‘pourquoi cet air de lettres familières’ (voir illustration ci-dessous), jugeant que cette forme d’adresse, ‘mon très cher ami’, n’a pas sa place dans un livre qui n’a pas de destinataire en particulier. Cependant ces mots demeurent inchangés dans le texte de 1747.

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.181.

Introduction à la connaissance de l’esprit humain, p.181 (Bibliothèque Méjanes).

L’ancien officier qu’est Vauvenargues, dont c’est le premier ouvrage, ne se laisse pas intimider par l’homme de lettres déjà fort célèbre qu’est Voltaire. Tout porte à croire que les deux hommes s’étaient liés d’une véritable amitié, et si les commentaires de Voltaire sont sans complaisance, le temps qu’il a dû y consacrer montre bien l’affection qu’il éprouvait à l’égard de son jeune confrère. Le volume aujourd’hui conservé à Aix était d’abord un don de Vauvenargues, offert à son prestigieux ami. Quand Voltaire le lui rend, il devient don de soi, de son jugement, de son temps.

– Gillian Pink

[1] Voltaire à Vauvenargues; la lettre n’est pas datée, mais Th. Besterman la situe vers le 15 février 1746.

[2] Lettre située vers le 15 mai 1746 par Th. Besterman.

Visite virtuelle de la Bibliothèque de Voltaire

L’histoire des négociations entourant la bibliothèque de Voltaire après la mort de l’auteur et qui ont culminé dans le transfert de tous les livres de Ferney à Saint-Pétersbourg a souvent été racontée.[1] Loin d’être la seule bibliothèque d’écrivain à avoir survécu à la mort de son propriétaire, elle est cependant peut-être la plus grande (avec presque sept mille volumes) et la plus célèbre. Sa particularité est celle, bien sûr, des nombreuses notes marginales et autres traces de lecture dont les volumes sont remplis. Nous savons que les livres de Diderot ont pris, eux aussi, le chemin de la Russie, mais aujourd’hui l’identité de cette collection a été dissoute au sein du fonds des imprimés de la Bibliothèque nationale de Russie et demande à être reconstituée. La bibliothèque de Montesquieu a connu un sort plus heureux et une partie des volumes du philosophe de La Brède constitue un ‘fonds Montesquieu’ à la Bibliothèque de Bordeaux. Plus éloignés, dans l’espace et dans le temps, des livres ayant appartenu à Alexander Pope et à William Warburton sont conservés à la Hurd Library à Hartlebury Castle en Angleterre, et la presque intégralité de la bibliothèque de Flaubert peut encore être visitée à la Mairie de Canteleu.

St_PetersburgTant qu’on ne s’est pas rendu sur place, le concept d’une bibliothèque d’auteur pourrait sembler abstrait, bien qu’il s’agisse avant tout d’une collection d’objets matériels. Tout change après une visite: la bibliothèque de Voltaire ne peut qu’impressionner le visiteur. Elle fait aujourd’hui partie de la Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg qui, comme on le voit sur la bannière de son site web, est encore située dans le bâtiment du dix-huitième siècle commandité par Catherine II à l’angle de la rue Sadovaya et de la Perspective Nevsky, bien qu’il existe également de nos jours un nouveau site plus éloigné du centre-ville. L’entrée des lecteurs a été modernisée, avec vestiaire et tourniquet actionné par les cartes de lecteurs. Pour accéder à la bibliothèque de Voltaire, on prend à droite et on traverse un long couloir aux murs couverts de boiseries, qui donne une impression d’étroitesse grâce à sa hauteur et aux vitrines où sont exposés livres et documents présentant les riches collections de la Bibliothèque, y compris celle de Voltaire. On monte deux marches et on est dans un hall spacieux. En prenant la porte à droite et en descendant quelques marches le lecteur se retrouve devant la plaque commémorant l’inauguration officielle du ‘Centre d’Etude du Siècle des Lumières “Bibliothèque de Voltaire” ’ par les premiers ministres russe et français le 28 juin 2003.

Au-delà des portes sécurisées, on entre enfin dans les deux salles voûtées consacrées à la mémoire de Voltaire et à ses livres. Enjolivée par un parquet et des vitraux faits sur mesure qui incorporent les initiales ‘A.d.V.’ (Arouet de Voltaire), la première salle, disposée en forme de ‘T’ (l’entrée étant à la jonction de la verticale et de l’horizontale), contient les volumes du patriarche de Ferney. Mais c’est d’abord la statue qui frappe, face à la porte: le célèbre ‘Voltaire assis’ de Houdon, une copie de celle qui se trouve à deux kilomètres seulement de la Bibliothèque, à l’Ermitage. Les murs sont tapissés de livres, et les rayons sont protégés par des portes en verre dont seuls les conservateurs détiennent les clefs. Les cotes reflètent l’ordre des livres à l’époque où la bibliothèque était encore conservée à l’Ermitage, et ce classement est censé être celui de Ferney, respecté par Wagnière, le secrétaire de Voltaire qui accompagna et déballa les caisses de livres en Russie. Au milieu de chaque ‘aile’ de la salle se trouve une vitrine, avec des expositions temporaires. Actuellement l’une expose quelques volumes emblématiques de la collection, tel l’exemplaire du Contrat social de Rousseau annoté par Voltaire,[2] alors que l’autre montre le catalogue de la bibliothèque dressé par Wagnière, un plan dessiné au dix-huitième siècle du château de Ferney, et des échantillons de tissu apportés par Wagnière pour Catherine II, qui avait initialement projeté de construire une reproduction fidèle du château de Ferney pour y conserver les collections voltairiennes.

En passant dans la seconde salle on trouve  une copie de la maquette du château de Ferney (dont l’original se trouve, lui aussi, au musée de l’Ermitage), exécutée en 1777 par Morand, le menuisier de Voltaire. C’est dans la seconde salle, bien pourvue en outils de travail (Œuvres complètes de Voltaire, catalogue de sa bibliothèque, etc.) que les lecteurs peuvent s’installer pour consulter les livres du grand écrivain. Là on peut feuilleter ses manuscrits, déchiffrer les ratures, parcourir les notes qu’il a laissées en marge des volumes imprimés. Toutes les traces de lecture de Voltaire ont été recensées et sont en cours de publication dans le Corpus des notes marginales. Nous regrettons le récent décès de Nikolai Kopanev, qui a joué un rôle important dans la continuation de cette publication essentielle par la Voltaire Foundation. C’est en partie grâce à lui que les voltairistes de tous les pays du monde sont si chaleureusement accueillis dans la bibliothèque de Voltaire pour étudier – et pour contempler aussi l’ampleur de la marque laissée par Voltaire sur le patrimoine mondial.

-Gillian Pink

[1] Notamment par Sergueï Karp, Quand Catherine II achetait la bibliothèque de Voltaire (Ferney-Voltaire, 1999); Christophe Paillard, ’De la “bibliothèque patriarcale” à la “bibliothèque impériale” – Grimm, Wagnière, Mme Denis et l’acquisition de la bibliothèque de Voltaire par Catherine II’Gazette des Délices 14 (été 2007); Gillian Pink, ‘Voltaire in St Petersburg: the Voltaire Library and the marginalia project’ au colloque ‘Was there a Russian Enlightenment?’, Ertegun House, Oxford (novembre 2012).

[2] La reproduction en fac-similé a été publiée sous le titre Du contrat social. Edition originale commentée par Voltaire (Paris, 1998). L’annotation de Voltaire, ainsi que les autres marques de lecture, a été reproduite et commentée par Kelsey Rubin-Detlev dans Voltaire, Corpus des notes marginales, t.8 (Œuvres complètes de Voltaire, t.143, p.165-83 et p.493-515 pour le commentaire).